Le doulos
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 11 avril 2016 10:22
- Écrit par Claude Séné
En argot, doulos signifie chapeau. Par extension il désigne aussi un indicateur de police. C’est le titre d’un roman policier porté à l’écran en 1962 par Jean-Pierre Melville, maitre français du genre série noire. Le personnage principal est interprété par Bébel, période sombre, ambigu à souhait, au sommet de son art, avant les pantalonnades, style « guignolo ». L’intrigue, compliquée, se déroule sur fond de dénonciations et de vengeances et s’achève par la mort de tous les protagonistes. Ce qui n’est pas le cas dans l’autre affaire de « l’homme au chapeau », qui a tenu en haleine les polices européennes depuis les attentats du 22 mars.
Après avoir accusé à tort un autre suspect, la police bruxelloise a mis la main sur Mohammed Abrini, qui a reconnu être le troisième homme du commando qui a perpétré le massacre de l’aéroport de Zaventem. Cet ami d’enfance de Salah Abdeslam semble partager avec lui un goût très modéré pour le sacrifice, faisant preuve d’une foi loin d’être inébranlable en la récompense promise de quarante vierges au paradis en échange de sa mort « glorieuse », consistant à se faire éparpiller façon puzzle avec de paisibles citoyens. Comme son sinistre copain, il donne l’impression de vouloir coopérer avec les enquêteurs, probablement pour minimiser son rôle et échapper à une condamnation trop lourde, pourtant amplement méritée. Il aurait déclaré avoir jeté la veste qu’on lui voit porter sur les vidéos de surveillance de l’aéroport, et vendu le fameux chapeau. Vendu ! vous avez bien lu, vendu. Si les circonstances n’étaient pas si tragiques, il y aurait de quoi s’esclaffer. Vous avez vu la tronche du chapeau, à mi-chemin entre le bob, le bonnet et le couvre-chef ridicule de Marcel Zanini, un truc innommable dont Thierry Lhermitte n’aurait pas voulu pour sortir ses poubelles avec le « pull » tricoté par Anémone dans « le père Noël est une ordure ».
J’imagine la petite annonce dans le bon coin : « vend chapeau, très recherché, petit prix, cause cavale. Conviendrait à un apprenti djihadiste ». Je sais bien que l’argent file vite quand on vit dans la clandestinité, et que l’on est prêt à faire flèche de tout bois dans ces circonstances, mais la réalité dépasse la fiction. Même Melville, dans son scénario tarabiscoté, n’aurait pas imaginé faire vendre le doulos de Jean-Paul Belmondo pour financer sa cavale et échapper à son destin. Il restera que ce sont Mohammed Abrini et son ami Abdeslam qui auront le douteux privilège de répondre des actions du commando en tant que survivants des assaillants, eux qui porteront le chapeau, selon l’expression populaire.