Édouard qui ?

Comment ça, Édouard qui ? Ne me dites pas que vous l’avez oublié ! Édouard Philippe, enfin, qui a quand même été Premier ministre de la France pendant plus de trois ans, une longévité que lui envient certainement ses successeurs, à commencer par Michel Barnier, qui n’a tenu que 99 jours ou François Bayrou qui se sait sur un siège éjectable, dont il ne détient pas la commande. Entre-temps, « l’enfer de Matignon » a été occupé par des locataires successifs, qui n’ont guère imprimé leur marque dans l’histoire de notre pays. Élisabeth Borne, promue à l’improviste alors qu’une autre femme, Catherine Vautrin, était supposée occuper le poste, puis Gabriel Attal, sans oublier, quoique, Jean Castex.

Nous en sommes déjà à 6 avec une sorte d’accélération dans le « turnover », qui devrait se confirmer tant que le parti présidentiel restera minoritaire dans le pays. Le résultat en est une banalisation de la fonction, qui a souvent été un tremplin pour ses titulaires afin d’accéder à la responsabilité suprême de chef de l’état. De fait, l’ancien Premier ministre n’a jamais caché ses ambitions de se présenter à la présidence de la République, dès sa prise de fonction ou presque. Tout en prenant grand soin de ne pas contredire publiquement le Président Macron, il a marqué son territoire en fondant son propre parti, Horizons, et en prenant position pour la limitation à 80 km/h sur les routes secondaires. Sa stratégie a été mise à mal par la réélection d’Emmanuel Macron, qui reporte à 2027 les échéances présidentielles. 10 ans, autant dire une éternité en politique, séparent la première élection portant Macron au pouvoir, de la possibilité de lui succéder.

Édouard Philippe a tenté de se rappeler au (bon ?) souvenir des Français en envoyant ce qu’il est convenu d’appeler des « cartes postales », dont la dernière récemment sur l’antenne de France Inter, où il a dû commenter, « de chic » selon l’expression surannée qu’il a employée, la mort de Jean-Louis Debré. Un exercice périlleux, dans lequel je ne me lancerai pas. La course présidentielle est difficile à gérer, car il ne faut partir ni trop tôt ni trop tard, sous peine d’échouer près du but. Les favoris des sondages sont fréquemment disqualifiés avant la ligne d’arrivée. Jean-Luc Mélenchon le sait bien qui aimerait que le président actuel remette son titre en jeu avant l’échéance officielle, pour mener une campagne éclair, sa seule et dernière chance de remporter la victoire. Édouard Philippe attendra son tour, quitte à ce qu’il n’arrive jamais. Ce qui risque de le faire perdre, plus sûrement que des positions politiques pas toujours appréciées des Français, tient dans la comparaison de son image actuelle, où il est méconnaissable du fait d’une affection cutanée, avec celle de l’homme politique, très brun, à peu près inconnu du public qui avait été nommé en juin 2017. C’est injuste, mais c’est ainsi.