La démocratie instantanée

Du producteur au consommateur ! Nous avions été prévenus, Emmanuel Macron allait « faire de la pédagogie » pour expliquer aux Français combien la situation internationale était préoccupante, et l’aurait été encore plus sans son action éclairée. Comme si nous étions sourds et aveugles et que les déclarations du président orange n’étaient pas suffisamment explicites. Je suis toujours assez méfiant quand des politiques annoncent qu’ils vont être pédagogues, un métier qui nécessite un minimum de formation, et qui sous-entend que les peuples sont incapables de raisonner par eux-mêmes, et doivent écouter sagement les explications des « savants » pour savoir quoi penser.

En quelque sorte, je m’attendais donc à une allocution présidentielle sur le modèle de : « les relations internationales pour les nuls », et je n’ai pas été déçu. Pour être sûr que le message passe, le président avait réquisitionné l’ensemble des médias télévisuels, comme au bon vieux temps de l’ORTF. Quand il s’agit de mouvement social comme une grève SNCF à l’approche des fêtes, les beaux esprits n’hésitent pas à parler de prise d’otage, mais cette fois, rien, pas un mot. Si encore le président avait eu une bonne raison de s’adresser à la nation toutes affaires cessantes, on aurait pu comprendre l’urgence de cette allocution, mais visiblement le but d’Emmanuel Macron était de préparer l’opinion à devoir subir des épreuves, au point qu’il s’est cru obligé de démentir à l’avance toute hausse d’impôt, plus grave que l’ensemble des plaies d’Égypte, véritable totem à ses yeux comme à ceux qui ont permis son élection et à qui il doit tout : les plus fortunés.

Et la démocratie dans tout ça, me direz-vous ? J’y viens. Un peu sur le modèle des sondages « sortie des urnes », la chaîne LCI, filiale de TF1, avait commandé un sondage pour savoir quel crédit les Français auraient attribué aux éléments amenés par le président. Et c’est en effet très instructif. Une très courte majorité, 52 %, a trouvé le président convaincant, ce qui signifie à l’inverse que 48 % l’ont trouvé peu ou pas convaincant. Pour un discours se voulant rassembleur et consensuel, c’est un peu maigre, et s’explique surtout par une cote de confiance très dégradée du Président, sa popularité oscillant autour de 20 % depuis déjà longtemps. Ce qui semble faire consensus, c’est la prise de conscience des Français que la défection des États-Unis de Donald Trump nous obligera à augmenter significativement le budget de la Défense et à revoir notre doctrine de dissuasion pour étendre la protection aux pays d’Europe qui le souhaiteraient. Pour autant, les Français interrogés rejettent une intervention directe dans la guerre en y envoyant des troupes au sol. Les résultats de ce sondage informent le président sur l’état de l’opinion, mais aussi et surtout, les Français eux-mêmes, et c’est assez nouveau.