Crime à la Maison-Blanche

Le monde entier a pu assister, ébahi, en direct à la télévision, à la mise à mort du dirigeant d’un pays supposé indépendant, dont le seul tort, aux yeux du maître de la Maison-Blanche, qui aspire à devenir le maître du monde, consiste à ne pas lui obéir aveuglément, sans émettre la moindre réserve. Une légère incertitude subsiste sur le déroulement du point de presse qui s’est tenu en public dans le bureau ovale du président, sur le fait de savoir si Donald Trump a planifié ses déclarations assassines et les humiliations qu’il a fait subir à son homologue ukrainien, ou s’il a cédé à son tempérament colérique, ne supportant aucune contradiction.

Dans le premier cas, on pourrait faire une analogie avec la notion juridique d’assassinat, qui qualifie un homicide réalisé avec préméditation, un crime passible des plus lourdes sanctions, dans le deuxième, il s’agit aussi d’un homicide, mais qui n’aurait pas été planifié. Les conséquences sont identiques pour la victime, mais les peines encourues sont moindres. Dans le cas qui nous occupe, je présume un mélange des deux démarches. En effet, Donald Trump et JD Vance, son vice-président, semblent bien s’être réparti les rôles à l’avance, comme dans les interrogatoires des films américains, où l’on retrouve le flic sympa qui fait contrepoids au méchant policier capable de tout, à la différence près que les deux personnages jouaient hier le rôle du mauvais, et aucun celui du bon. Les mêmes arguments étaient repris à tour de rôle, donnant l’impression d’un effet de meute s’acharnant sur un gibier affaibli. Le piège s’est refermé sur le président ukrainien, sommé de faire allégeance à ses interlocuteurs, ou de faire acte de résistance, ouvrant la voie aux accusations de bellicisme, d’ennemi de la paix, j’en passe et des pires.

Si l’on file la métaphore, Donald Trump a réussi à mettre en scène pour les Américains, le seul public dont l’opinion lui importe, des éléments permettant d’invoquer la légitime défense. C’est-à-dire que même en étant objectivement l’agresseur dans cette altercation, il veut être considéré comme exemplaire et s’en tirer sans la moindre sanction. Il a d’ailleurs évoqué une situation analogue lors de son premier mandat en prétendant qu’il pourrait tuer quelqu’un dans la 5e avenue sans encourir le moindre blâme. Il nous refait le coup en exigeant des excuses de la part de Zelensky, alors que ce devrait être exactement l’inverse. Sur le fond de la dispute, il est clair que Trump a déjà cédé sur tous les points à Poutine, dont il reprend la rhétorique, et qu’il veut tourner la page pour se consacrer à la guerre commerciale contre l’Europe, en attendant mieux. Il juge l’Ukraine quantité négligeable, dont il peut choisir les dirigeants à sa guise, et ne respectera que la force, si l’Europe parvient à s’unir.