Scandale carcéral

Le ministre de la Justice, Gérald Darmanin, était l’invité de la matinale à France Inter, et il piaffait d’impatience parce que le journaliste tardait à l’interroger sur « l’affaire » des massages de la Saint Valentin, en lui posant des questions sur des sujets de moindre importance à ses yeux, tels que les violences sexuelles dans l’établissement catholique de Bétharram, et la connaissance que pouvait en avoir François Bayrou, son actuel Premier ministre. En gros, tout ça c’est du passé, la polémique est politicienne, et il n’a « aucune raison » de ne pas le croire. Circulez, et passons aux choses sérieuses.

Des syndicalistes FO de la pénitentiaire se sont émus du traitement de faveur qui aurait été réservé à des détenus de la prison de Seysses près de Toulouse. Il y est question de massages dispensés par des étudiantes en esthétique, et de soins du visage. Les représentants des surveillants pointent aussi qu’ils sont exclus de ces activités apparemment récréatives, ou « ludiques » selon l’expression de Gérald Darmanin, qui s’est empressé de les interdire jusqu’à nouvel ordre. Je retrouve ici un vieux réflexe du personnel attaché aux établissements carcéraux, jaloux des quelques prérogatives conservées par les détenus, notamment ceux qui poursuivent des études d’un certain niveau, alors qu’eux-mêmes se sentent dévalorisés par leur hiérarchie. Pour la population, la prison doit d’abord et avant tout être une punition, pour expier les fautes passées. Le ministre consent du bout des lèvres à reconnaître l’intérêt d’une activité permettant une réinsertion sociale et réduisant la récidive, telle que l’apprentissage d’un métier, des études ou même un passe-temps, mais réserve cette possibilité aux détenus en fin de peine, quelques mois avant leur libération. C’est notoirement insuffisant. L’objectif de réhabilitation doit être présent au premier jour pour avoir une chance de réussir.

Renseignements pris, les fameux massages, qui concernaient uniquement le cuir chevelu, étaient pratiqués par les détenus eux-mêmes sur les conseils des étudiantes, totalement bénévoles. Quant à la date du 14 février, il s’agit d’une pure coïncidence. S’il y a bien un problème concernant les prisons en France, c’est celui de la surpopulation pénale endémique qui ne fait que s’accroître avec le temps dans les centres de détention où elle atteint parfois localement plus de 200 % d’occupation. Il y a en ce moment près de 80 000 détenus pour quelques 62 000 places. Cet élément à lui seul explique l’incapacité à gérer correctement les difficultés liées à la promiscuité et aux conflits inévitables qu’elle engendre. Quant aux activités, ludiques ou non, elles sont très utiles pour conserver une certaine sérénité dans la détention. Il en va de même pour la circulation de produits interdits, cannabis ou téléphones portables, qui évitent l’implosion, voire les mutineries. À vouloir nier ces réalités, le ministre prend le risque de masquer les difficultés sans chercher à les résoudre.