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Le ministère de la Parole
- Détails
- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le vendredi 14 février 2025 11:15
- Écrit par Claude Séné
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Il arrive parfois que le président Macron parle d’or. Et en général c’est pour dresser des constats sur lesquels il reconnait implicitement n’avoir que très peu ou pas de prise. C’est ainsi qu’aujourd’hui parait un entretien qu’il a donné au Financial Times, dans lequel il s’inquiète de l’éventualité de plus en plus probable d’un accord entre Donald Trump et Wladimir Poutine sur le dos des Ukrainiens. Ces deux-là semblent en effet s’entendre comme larrons en foire, ce qui fait dire à Emmanuel Macron que le risque est grand de déguiser ainsi une capitulation pure et simple, non seulement de l’Ukraine, abandonnée en rase campagne par son soutien le plus important, mais aussi de l’Europe, qu’il appelle à un sursaut.
Il y a cependant loin des discours généreux à la mise en place réelle d’une sorte de front commun opposable à Moscou. Les résistances à l’hégémonie russe et à ses ambitions territoriales restent dispersées. Le souhait de Donald Trump est clair : se désengager du conflit le plus rapidement possible afin de diviser de moitié le budget militaire et le consacrer prioritairement à la zone Pacifique et à l’Océan indien, dût-il abandonner la totalité du territoire ukrainien pour cela. Ce que redoute à juste titre le président Zelenski, c’est que Poutine accepte un accord de paix qui serait déjà à son avantage, pour se réarmer et reprendre sa guerre de conquête ensuite. Emmanuel Macron se berce encore d’illusions, en admettant qu’il croie lui-même à ses propositions de « réveil » des Européens. En effet, c’est traditionnellement le couple franco-allemand qui tire l’attelage européen, et ces deux pays sont en pleine crise démocratique, confrontés à une menace d’extrême droite très dangereuse.
Le désengagement annoncé des États-Unis devrait amener les Européens à se doter d’une défense commune, mais elle coûtera cher. Raphaël Gluksmann appelle les pays européens à un emprunt de 500 milliards pour la financer, dans un contexte de vaches maigres et de déficit budgétaire record. Ce qui manque encore plus que l’argent pour permettre aux Européens de parler d’une même voix, c’est la volonté politique. La plupart des pays de l’UE considèrent qu’il s’agit d’une communauté exclusivement économique, un vaste marché de 450 millions de consommateurs, ce qui a son importance dans le bras de fer annoncé par Donald Trump avec le relèvement des droits de douane sur de nombreux produits, mais cette puissance commerciale permettrait d’aller bien au-delà et de peser pour un ordre mondial un peu mieux régulé, n’en déplaise à monsieur Musk et monsieur Trump, dont on ne sait pas trop qui manipule l’autre.