C’est à quel sujet ?

Le président de la République avait annoncé qu’il donnerait une interview à la télévision après une cure de silence médiatique auquel il ne nous a guère habitués. Par une coïncidence qui ne doit rien au hasard, les partis du nouveau Front populaire se sont accordés dans la journée sur le nom de Lucie Castets pour tenir le rôle du Premier ministre au nom de la coalition arrivée en tête aux élections législatives. Les conditions étaient donc réunies pour que le président puisse procéder à sa nomination et la charge de constituer un gouvernement dans les meilleurs délais.

Les journalistes de service lui ont donc posé la question bien naturelle après la période de flottement due à la démission présentée, refusée, puis acceptée par Emmanuel Macron pour expédier les affaires courantes, pour s’entendre opposer un « ce n’est pas le sujet » désinvolte à l’égard de l’intéressée, des partis qui la soutiennent, et surtout des nombreux électeurs qui ont exprimé leur mécontentement à l’égard de la politique menée depuis 7 ans. Je vais peut-être vous surprendre, mais je suis, pour une fois, d’accord avec le président Macron. Peu importe la personne choisie pour mettre en œuvre le programme défini par le NFP et approuvé par une fraction significative de l’électorat, une majorité certes relative, mais une majorité quand même. Quand Jacques Chirac a subi une lourde défaite après une dissolution ratée (déjà !) en 1997, il a fait appel à Lionel Jospin, non par choix personnel, mais parce qu’il représentait l’opposition et qu’il était candidat à ce poste. Dans l’autre sens, François Mitterrand avait nommé ce même Jacques Chirac en 1986, puis Édouard Balladur en 1993, sans discuter des personnes.

Si le président nomme le Premier ministre, il ne le choisit donc pas dans ce cas précis, contrairement à la pratique habituelle quand il dispose d’une majorité. Si Emmanuel Macron a pu sortir de son chapeau d’illustres inconnus tels que Édouard Philippe à l’époque, ou Jean Castex plus récemment, c’est bien parce que, selon la formule de Sarkozy, le président décide et le Premier ministre exécute. Une conception impossible à mettre en œuvre en période de cohabitation. Emmanuel Macron aura beau faire des tours de passe-passe pour expliquer que personne n’a gagné, il n’en reste pas moins qu’il a perdu, et largement. Si la Constitution reste muette sur cette pratique des institutions, elle ne prévoit en aucun cas que le président se substitue au gouvernement pour décider des orientations à prendre sur le plan législatif. Cela lui est même interdit explicitement au nom de la séparation des pouvoirs. De plus, si le président nomme le Premier ministre, il ne peut pas le renvoyer à moins qu’il démissionne. C’est l’Assemblée qui détient ce pouvoir par l’adoption d’une motion de censure, ou le refus de la confiance au gouvernement. Macron ne peut quand même pas pourrir la vie démocratique du pays jusqu’en juin 2025, et plus si affinités. Si ?