C’est pas Versailles ici !
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 20 septembre 2023 10:58
- Écrit par Claude Séné
À moins d’un séjour prolongé en orbite autour de Mars ou de Jupiter, vous n’avez pas pu échapper à ces spots publicitaires destinés à promouvoir les économies d’énergie mettant en scène un père de famille désespéré, tâchant de réduire sa facture d’électricité en éteignant consciencieusement les lumières dans les pièces inoccupées derrière ses enfants gaspilleurs. Le paradoxe de cette campagne qui battait son plein depuis 2019, c’est qu’elle était, déjà ! financée par le plus gros pollueur de la planète, le groupe Total énergies. C’est le palais de Versailles qui symbolisait alors, et encore aujourd’hui, le faste et le décorum du luxe dispensé sans nécessité, dans un grand élan de gaspillage et de gabegie.
Car c’est bien à Versailles, et plus précisément dans la fameuse galerie des Glaces du palais, que sera donné ce soir un festin dispendieux aux 150 invités triés sur le volet, en l’honneur du roi d’Angleterre Charles III, et son épouse, que l’on hésite à appeler par son nom protocolaire de « gracieuse Majesté ». Naturellement, cette fastueuse réception sera justifiée par la nécessité de recevoir dignement un souverain étranger, mais cette version du « quoi qu’il en coûte » aura du mal à passer au moment où les Français les plus modestes voient le coût de la vie exploser, l’inflation repartir à la hausse sur les produits de première nécessité, et le prix du carburant s’envoler malgré d’improbables plans sur la comète pour faire supporter l’augmentation des prix par les distributeurs. Cette réception tombe donc mal, mais elle ne peut pas bien tomber. La visite officielle de Charles III a déjà dû être repoussée au printemps dernier du fait du climat presque insurrectionnel lié au projet de réforme des retraites, finalement imposée aux forceps.
Si le climat social s’est légèrement détendu depuis, la popularité d’Emmanuel Macron est toujours en berne et son image monarchique et élitiste va être renforcée par ces agapes dont les Français modestes seront exclus. Peu d’entre eux en effet pourront mettre à leur menu un plat de crustacés à base de homard bleu et de tourteau, accompagnés d’une brunoise de melon et d’un voile d’amandes préparé par une prestigieuse cheffe étoilée. Sans mésestimer la relation franco-britannique, il faut reconnaître que le Brexit a officialisé le divorce entre la grande Bretagne et ses voisins continentaux, et aussi que le roi Charles est loin d’avoir la même popularité que sa mère de part et d’autre de la Manche. Je crois que les Français moyens se seraient contentés d’un accueil plus modeste du souverain anglais, plus en phase avec les difficultés du quotidien qu’ils rencontrent. On ne les empêchera pas de penser que c’est l’orgueil du monarque républicain qui l’a poussé à vouloir en mettre plein la vue, avec leur argent.
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