Notre ami le roi

Lorsque Gilles Perrault publie en 1990 le récit biographique sur le roi du Maroc, intitulé « notre ami le roi », il s’agit de Hassan II, le père de l’actuel monarque du royaume chérifien, Mohammed VI. Il y décrivait la face cachée du régime marocain. Ce livre allait faire l’effet d’un Tsunami politico-diplomatique, ou encore selon une terminologie glaçante après-coup, celui d’un tremblement de terre. Aujourd’hui, le Maroc essaie de panser ses plaies et de faire face à la catastrophe pour l’humanité qui s’est produite. L’attitude du souverain marocain, si elle n’est pas critiquée ouvertement, pose cependant beaucoup de questions.

À commencer par son silence. Pas de prise de parole officielle et publique, ne serait-ce que pour mobiliser son peuple qui ne manque pas de courage et fait tout ce qu’il peut pour affronter cette situation difficile, mais aussi pour manifester sa compassion et sa solidarité avec la population. Concrètement, dès les premières heures de la nouvelle du terrible tremblement de terre qui a touché le pays, la communauté internationale s’est mobilisée. Des pays tels que la France et bien d’autres se sont déclarés prêts à porter secours aux populations touchées par le séisme, par des actions de toutes sortes. Des associations humanitaires sont disposées à acheminer vivres, médicaments, vêtements, etc. Des appels aux dons sont lancés par des organismes tels que la fondation de France et des cagnottes en ligne ont été organisées, bref, toutes ces initiatives n’attendent que le feu vert du roi Mohammed VI pour se déployer. On sait que les premiers jours en ce type de circonstances sont cruciaux et que chaque heure compte, et l’on a l’impression que la gestion de l’aide internationale est soumise à des considérations politiques.

Seuls quatre pays ont été autorisés à l’heure actuelle à prêter main-forte aux autorités marocaines : l’Espagne, le Royaume-Uni, le Qatar et les Émirats arabes unis. La France notamment, qui possède une expertise reconnue dans la gestion des catastrophes naturelles et qui a proposé ses services, n’a pas été sollicitée, malgré l’insistance du président Macron. Force est de constater que le roi du Maroc préfère choisir ses interlocuteurs plutôt que d’accueillir toutes les bonnes volontés. Il semble craindre de donner une image dévalorisée des capacités du Maroc en faisant appel à l’ancienne puissance coloniale, qui s’est de plus rapprochée récemment de l’Algérie, pays concurrent du Maghreb, avec laquelle il est en froid depuis longtemps. Comme son père, Mohammed VI, tout en donnant une image de modernisme et d’évolution sociétale, reste un souverain autoritaire, jaloux de ses prérogatives, guère différent de celui que décrivait Gilles Perrault il y a 33 ans. Coïncidence, le journaliste et écrivain s’est éteint le 3 août dernier à l’âge de 92 ans.