La fille (bien) cachée de Cabu

Vous ne l’aviez pas vue venir, celle-là ! Et pour être franc, moi non plus. Tout étant bon pour sortir de l’anonymat, Sabrina Agresti-Roubache, très récemment nommée secrétaire d’État chargée de la ville dans le nouveau gouvernement Borne, a décidé de fêter, à sa façon, la promotion de Geoffroy Lejeune à la tête du Journal du Dimanche, malgré l’hostilité de la quasi-totalité de la rédaction. Techniquement, on ne pourra pas l’accuser d’être une briseuse de grève dans la mesure où les journalistes du JDD, après 40 jours d’arrêt de travail pour protester contre la venue d’un patron en mission de reconquête du journal au profit de Vincent Bolloré et de l’extrême droite, avaient déjà mis fin à leur mouvement.

C’est quand même un bras d’honneur symbolique à l’égard des journalistes et des lecteurs du JDD, dont beaucoup ont déjà décidé de quitter le navire. Mais le pire, c’est que la ministre prétend agir au nom de la liberté d’expression et du pluralisme, en revendiquant l’héritage de Charlie hebdo, et en se posant comme une « fille de Cabu » selon ses propres termes. Le pauvre doit se retourner dans sa tombe, lui qui avait dessiné en 2006 une caricature de Mahomet s’écriant : « C’est dur d’être aimé par des cons ». Après cette sortie de la ministre, le journal satirique a été obligé de se fendre d’un communiqué en forme de mise au point pour dénoncer, je cite, « le cynisme, l’amateurisme et l’inculture politique ». Même dans son propre camp, mis à part le soutien de son ancien collègue député, Karl Olive, visiblement plus expert en ballon rond qu’en pluralisme de la presse, des voix se sont étonnées de son initiative prise sans même prévenir la Première ministre. « Elle fait du Marlène Schiappa en pire », peut-on lire dans le Parisien. Je m’incline devant l’avis des spécialistes, bien qu’il soit difficile de tenir une telle gageure.

Il se murmure qu’à l’instar de son modèle, une proximité amicale avec le couple présidentiel lui permet de prendre des initiatives et des positions personnelles, sans craindre d’être désavouée, voire débarquée au premier coup de tabac. De là à revendiquer une filiation avec un symbole de la liberté de pensée, il y a encore de la marge. La ministre affirme être descendue dans la rue en son temps pour soutenir Charlie Hebdo. Je lui rappellerai simplement que nous étions plusieurs millions qui scandaient : « je suis Charlie », comme elle dit l’avoir fait, et que cela n’empêche pas la plupart d’entre nous de combattre vigoureusement les idées nauséabondes véhiculées par les nouveaux patrons du JDD. Sabrina Agresti-Roubache aurait-elle tout simplement oublié de se munir de la cuillère à longue queue nécessaire à qui veut dîner avec le diable, sous peine de se brûler ?

Commentaires  

#2 diabloguiste 09-08-2023 12:02
merci de cette précision
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#1 Gabriel sterling 09-08-2023 11:56
Dans le Monde il est indiqué que « l’interview a tout de même été relue et validée par Matignon et par l’Elysée avant publication » avec ce commentaire de l’entourage d’Emmanuel Macron « C’est un choix personnel. Elle est ministre et revendique le fait de s’exprimer partout, compte tenu de son parcours personnel, de son expérience » Que voilà un bel électron libre …
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