Ultimatum

Même sans avoir appris le latin, la plupart des gens connaissent ce terme, bâti sur un adjectif assez courant, ultime, qui signifie le dernier, le plus au-delà, et est utilisé pour signifier que l‘on n’ira pas plus loin. C’est ce qui fait sa force, mais souligne également que l’on a atteint un point de non-retour. Les pays africains réunis au sein de la Cédéao, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest, ont adressé cette semaine une injonction aux militaires qui ont pris le pouvoir au Niger de rétablir dans ses fonctions le président démocratiquement élu, Mohamed Bazoum, avant ce dimanche à minuit.

Le problème d’un ultimatum, c’est d’être univoque. Soit le pays ou la personne concernée se soumet aux exigences de celui qui le pose, soit celui-ci met sa menace à exécution, en l’occurrence une intervention armée, pour obtenir la satisfaction de ses revendications. Les deux parties sont placées de fait dans une situation qui ne laisse théoriquement plus de place à des négociations. Un ultimatum parmi les plus célèbres reste celui envoyé le 23 juillet 1914 par l’ambassadeur de l’empire austro-hongrois au gouvernement serbe, à la suite de l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand et son épouse à Sarajevo le 28 juin. Le but de cette note était de formuler des exigences inacceptables, qui permettront le déclenchement de la 1ère guerre mondiale, par le jeu des alliances. Or, l’ultimatum de la Cédéao a expiré cette nuit, et rien n’indique, sauf pour les putschistes et leurs partisans, que des troupes seraient en passe de pouvoir intervenir au Niger. Les rapports de force à l’intérieur de la Cédéao, dont font également partie deux pays dirigés par une junte militaire, le Burkina Faso et le Mali, ne plaident pas en faveur d’une intervention. La France, qui possède un fort contingent sur place, n’a pas d’intérêt à se mêler du conflit, à moins que ses ressortissants soient directement menacés, et le conseil de sécurité de l’ONU n’envisage pas de donner un mandat international pour rétablir le président légitime dans ses droits.

La situation est donc bloquée pour le moment, et ce qui était ultime pourrait se révéler impossible, ou inapplicable. La langue française, qui reste une des langues officielles utilisées en diplomatie, a d’ailleurs forgé deux autres mots sur le schéma originel de l’ultime : tout d’abord le pénultième, qui désigne plus savamment l’avant-dernier, dans un classement ou une course, et même l’antépénultième, pour éviter l’inélégant « avant-avant-dernier ». Souhaitons que les parties concernées puissent se remettre autour d’une table de négociations pour aboutir à un accord qui éviterait une guerre civile et un bain de sang dont les Nigériens seraient les premières victimes. Un conflit armé ferait aussi le jeu de Vladimir Poutine, qui serait ravi de pouvoir mettre de l’huile sur le feu par l’intermédiaire de la milice Wagner, qui l’embarrasse un peu désormais.