Irresponsables

On se souvient encore de la phrase énoncée par Georgina Dufoix, alors ministre des Affaires sociales en 1991 dans l’affaire dite du « sang contaminé » selon laquelle elle s’estimait « responsable, mais non coupable ». À l’époque, l’expression avait provoqué un tollé, en semblant indiquer que l’on pouvait s’exonérer des suites judiciaires éventuelles de ses actes politiques, du moment que l’on n’avait pas d’intention malveillante. On attendait avec intérêt la réaction du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, après les propos polémiques de son directeur général de la police nationale, Frédéric Veaux, opposé à la détention provisoire de tout policier mis en cause dans son activité professionnelle.

Contrairement à son collègue Garde des Sceaux, Éric Dupont-Moretti, à la Première ministre et son supérieur hiérarchique, le Président de la République, ainsi que tous les membres du gouvernement qui ont eu l’occasion de s’exprimer, Gérald Darmanin s’est abstenu soigneusement de rappeler que « nul n’était au-dessus des lois ». Au contraire, il a soutenu sans réserve son DGPN ainsi que l’ensemble des forces de l’ordre, dont il a reçu longuement les responsables syndicaux, semblant accréditer la thèse d’un achat de la paix sociale, quel que soit le prix à payer. Selon les syndicats, le ministre serait prêt à envisager une modification de la loi « pour revenir sur la détention provisoire d’un policier agissant en mission ». Encore faudra-t-il dégager une majorité pour voter une telle disposition, et passer l’obstacle du Conseil Constitutionnel, tant ce serait une dérogation évidente au principe d’égalité devant la loi qui prévaut dans notre système actuellement.

Les exceptions au principe de continuité de la loi sont peu nombreuses et bien définies. La plupart du temps, il s’agit de cas d’irresponsabilité. Une personne reconnue aliénée, dont le discernement est aboli ou altéré, de façon permanente ou provisoire, peut échapper à la sanction pénale et bénéficier de soins psychiatriques. De même, des enfants reconnus coupables de crimes ou de délits voient leur peine diminuée de moitié, au nom de leur excuse de minorité. Quant aux parlementaires bénéficiant d’une immunité, celle-ci n’est pas permanente, et elle est généralement levée pour permettre à la justice de statuer. Je laisse volontairement de côté le statut du chef de l’état, qui est un cas très particulier, et devrait faire l’objet d’une révision. Le plaidoyer du ministre pour accorder un statut d’exception aux policiers est basé sur la difficulté du métier en général, et en particulier dans la période actuelle. C’est un argument irrecevable. Si les forces de l’ordre sont en surchauffe, ce n’est pas un statut, mais de meilleures conditions de travail qu’il faut mettre en place. À commencer par une formation digne de ce nom, en qualité et en durée. Les commissariats, les équipements, les véhicules, etc. sont souvent obsolètes. Les effectifs insuffisants obligent à effectuer des heures supplémentaires, souvent peu ou mal rémunérées. Le ministre a du pain sur la planche.