Par Toutatis !

Obélix n’en est pas encore revenu. Alors qu’il était tranquillement en vacances dans « l’empire du Milieu » en compagnie de son meilleur ami et néanmoins concurrent dans la popularité chez les jeunes de tous âges, voilà que des malfaisants, probablement ces fous de Romains, se sont mis en tête de saccager une partie de sa réserve de menhirs à Carnac dans le Morbihan. 39 précisément selon Libération, 37 seulement selon le Télégramme (de Brest et de l’Ouest) qui s’appuie sur le décompte d’un archéologue local, et « au moins 38 » selon Le Monde, qui ne se mouille pas trop.

Et tout ça pour quoi ? Pour implanter un magasin de bricolage, qui aurait pu être déplacé de quelques dizaines de mètres pour préserver le site archéologique, voire le mettre en valeur, ou au moins s’assurer que des fouilles sérieuses soient effectuées au préalable. Normalement, lorsqu’un chantier de BTP est prévu et qu’il risque de détériorer un site historique, une procédure dite de « sauvetage » est lancée et confiée à des spécialistes compétents en la matière, qui effectuent la mise au jour des vestiges, avec un relevé précis des strates, illustrées par des documents photographiques permettant de sauvegarder au minimum la mémoire des lieux avant leur destruction éventuelle, si l’intérêt commun et l’utilité publique sont établis. À Carnac, une série de dysfonctionnements a abouti à la délivrance par la Mairie d’un permis de construire en bonne et due forme sans que la Direction régionale des affaires culturelles de Bretagne, qui aurait dû superviser la procédure, y trouve à redire.

Vous me direz peut-être, avec le mauvais esprit qui vous caractérise, que 38 ou 39 menhirs de plus ou de moins sur un site qui en comporte 1170 dans le seul alignement du Menec, et dont la taille peut atteindre 4 mètres, ne font pas grande différence. La mairie, embarrassée, fait valoir que d’autres alignements sont probablement passés à la trappe dans le passé sans qu’on le sache et qu’il y en aura sans doute d’autres à venir. C’est possible, mais n’enlève rien au fait que les autorités ont visiblement failli et se renvoient la responsabilité de ce couac, qui rend plus urgent que jamais l’inventaire prévu dans ce domaine pour une inscription éventuelle au patrimoine mondial de l’UNESCO. Parmi les mégalithes sacrifiés sur l’autel du commerce et de la boulette administrative figurait un spécimen qui n’avait probablement pas bougé de sa place depuis 7 000 ans. On suppose qu’il était un peu trop encombrant pour être déplacé, même par Obélix, sans un motif impérieux qui aurait justifié une exception à son interdiction de potion magique. Puisse cette erreur administrative servir de leçon à la préservation de notre patrimoine commun, notamment à Carnac, où une autre menace plane : celle du raccordement du parc éolien maritime au réseau terrestre, qui pourrait défigurer le site s’il est mal mené.