Après Poutine le déluge

La destruction du barrage de Kakhova ressemble bien à une tentative désespérée de l’armée russe de retarder une défaite qui leur semble inéluctable. Le fait que cette catastrophe écologique cause des dommages irréversibles à court terme et provoque certainement de nombreux morts, blessés et déportés dans la population civile ne semble pas émouvoir particulièrement la hiérarchie militaire et politique russe, qui, il est vrai, en a vu et provoqué bien d’autres. Ce ne sera jamais qu’un crime de guerre de plus, au sens de la convention de Rome, et dont les dirigeants russes devront un jour rendre compte.

De toute évidence, les militaires ont persuadé Poutine de la nécessité urgente de desserrer l’étau que constituait l’élargissement du front causé par les raids dans la région russe frontalière de Belgorod, qui préfigurent probablement la percée ukrainienne dans ce secteur, voire constituent les premiers effets de la contre-offensive annoncée depuis des mois et peut-être commencée sans tambour ni trompette. Pendant que les Ukrainiens sont occupés à tenter de sauver leurs populations civiles, ils sont nécessairement affaiblis sur le reste de la ligne de front, et la route vers la Crimée est provisoirement coupée et inaccessible à une offensive d’ampleur. Cette seule observation suffirait à établir les responsabilités russes dans ce nouvel épisode, bien qu’ils tentent, comme à l’accoutumée, d’en rejeter la responsabilité sur l’adversaire alors qu’il n’en tire visiblement aucun avantage. Les conséquences pourraient en être désastreuses également pour la population de Crimée et son approvisionnement en eau potable, mais ne comptez pas sur l’humanité de Vladimir Poutine, prêt à tout sacrifier pour éviter de perdre la face.

Depuis le début de cette guerre, le chef du Kremlin a pratiqué la politique de la terre brûlée, aujourd’hui la terre noyée, inondée, envahie par les eaux. En ruinant la région entourant le fleuve sous des millions de litres d’eau ravageant tout sur son passage, il cause un tort et un dommage immenses aux populations qu’il prétendait « libérer » de la pseudo-nazification. Ce faisant, il brûle ses vaisseaux, car les dégâts sont irréversibles, et tout le monde va y perdre. Au mieux pour lui, il pourrait espérer une victoire à la Pyrrhus, car les pertes humaines sont d’ores et déjà immenses, et risquent de devenir insupportables pour le peuple russe, malgré la propagande et l’endoctrinement déversés quotidiennement par la télévision d’état entièrement dévouée au pouvoir. Cette bataille de l’information est indispensable à Poutine pour conserver le soutien de sa population. Il sait déjà qu’au-delà de ses frontières, personne, y compris son allié objectif chinois, n’est dupe de la mascarade consistant à attribuer aux ennemis ukrainiens et à leurs soutiens, ses propres turpitudes. Il suffit de reprendre les accusations de Moscou et de les retourner à l’envoyeur pour comprendre la stratégie du maitre du Kremlin. Ici, il ne manque que le « smoking gun » ou les aveux de l’agresseur.