Apartés artistiques 2
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le dimanche 4 juin 2023 10:31
- Écrit par L'invitée du dimanche
À 1 000 km de distance géographique, et 36 000 ans plus tôt, après Rome et ses trésors artistiques de l’époque romaine à la Renaissance, un autre choc m’attendait, dans la grotte Chauvet, réplique de la grotte de Pont d’Arc, considérée comme le premier chef-d’œuvre connu de l’humanité, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO.
On peut y admirer l’expression de l’art pariétal, c’est-à-dire l’ensemble des œuvres d’art réalisé par l’homme sur des parois, dans les grottes, dans les abris, les mêmes expressions artistiques en extérieur sur des rochers, sur les flancs de montagne sont appelées art rupestre. Ces dernières sont rares, car détruites par les conditions météorologiques au contraire de celles protégées à l’intérieur, préservées grâce à une stabilité du climat intérieur et que l’on retrouve dans plus de 400 grottes en Europe occidentale.
Celle de Chauvet nous apporte un témoignage d’une culture humaine disparue à partir de plus de 1 000 représentations, souvent mises en scène, donnant la place centrale aux animaux, sûrement sources de croyances et de mythes autant que de représentations de leur place essentielle pour se nourrir, se vêtir, se protéger. Seuls des mains positives ou négatives et des triangles pubiens incarnent l’homme…
Les dessins sont de trois couleurs, rouge, noir et blanc, montrant une recherche technique évidente.
Le rouge composé d’hématite est un pigment privilégié pour les empreintes des mains et des signes abstraits. Sous forme de poudre, il peut être projeté, soufflé (comme avec un aérographe) ou mélangé à de l’eau. Le trait est simple ou sous forme de tâches, des traces suggèrent l’utilisation d’une brosse de poils.
Le noir provient du charbon de bois végétal, après brûlage de pin sylvestre. Il est écrasé du bout des doigts, c’est de l’estompe, et fait contraste avec le blanc obtenu par enlèvement de matière avec les doigts sur l’argile pour retrouver le calcaire. On passe ainsi par des nuances de gris clair au beige.
Tout prouve, la fabrication des couleurs, des outils, des pinceaux, que nos ancêtres ont exploité leur environnement comme support de narration, technique, et pas du tout improvisé ! Toutes les figures réalisées à Chauvet montrent les mêmes conventions stylistiques, il y avait sans doute un nombre réduit d’artistes… qui ne pouvaient exprimer leur art que si ces cavernes profondes et obscures étaient éclairées ! Ce qui était fait à partir de lampes à huile de matières grasses animales creusées dans des galets en cuvette, ou des coupelles en terre cuite, mobiles ou fixes, entassées les unes sur les autres le long des parois ou à partir de torches de bois résineux enflammées. (On trouve déjà la magie du clair-obscur qui met à jour des émotions, des ressentis, recherchée par le Caravage !)
Les raisons qui ont poussé les hommes du paléolithique à pratiquer leur art dans des boyaux difficiles d’accès restent toutes spéculatives : besoin de communiquer avec son groupe, avec d’autres hommes, transmettre leur vision du monde, exprimer leurs mythes, perpétuer une mémoire intelligible, laisser un témoignage…
Avec des moyens techniques limités, l’art pariétal nous livre des chefs-d’œuvre d’un autre temps, montrant l’expression artistique en tant que langage intemporel, universel, de Picasso (qui affirmait face à l’art préhistorique « nous n’avons rien inventé ») à Banksy et au Street art, les artistes s’inclinent devant l’héritage de leurs maîtres lointains et anonymes.
L’invitée du dimanche