Toutes affaires cessantes

Il ne vous aura pas échappé que le président et le gouvernement tentent désespérément de sortir d’une situation difficile du fait de l’absence de majorité absolue à l’Assemblée nationale et de l’échec de leurs tentatives de rapprochement avec le groupe parlementaire des Républicains, lui-même divisé sur la stratégie à adopter vis-à-vis du pouvoir macronien. La réforme des retraites a été arrachée aux forceps et la motion de censure a été évitée de justesse. Pour l’instant, il n’est donc pas très envisageable de faire adopter la moindre mesure réclamant l’adhésion de la représentation nationale.

Cependant, la nature ayant horreur du vide, et malgré le constat présidentiel d’une abondance de textes législatifs d’une utilité parfois discutable, il faut bien que le parlement prouve son utilité et c’est peut-être la raison d’être de cette proposition de loi déposée par le parti présidentiel Renaissance au sujet du pavoisement rendu obligatoire du fronton des mairies de France et de Navarre, aux couleurs européennes. L’objectif affiché de cette loi serait officiellement de rassembler les partis derrière une bannière commune, afin de montrer une unité de façade, un idéal partagé, au moment où la guerre fait rage aux frontières européennes. Cette vision idyllique est malheureusement gâchée par la grosse ficelle dissimulée à l’intérieur du bouquet de la paix. Les stratèges du parti présidentiel ne seraient-ils pas mus par le souhait d’embarrasser les dirigeants de l’alliance d’opposition, la NUPES, et de les amener à se contredire mutuellement en public ? Si l’objectif était de tendre un énorme piège à cons, il faut reconnaître qu’il a été atteint. Écologistes et pro-Européens se sont saisis de l’occasion de réitérer leur exigence d’une candidature séparée aux élections tandis que les insoumis rappelaient leur méfiance envers les institutions de l’UE pour refuser la présence obligatoire du drapeau sur les mairies.

Cette cacophonie vient masquer une réalité qui est que la « majorité » du président, pas plus que sur d’autres sujets, autrement plus importants, n’existe pas. Le texte n’a d’ailleurs pas été approuvé en commission, et il a donc toutes les chances d’être repoussé, sans que la terre s’arrête de tourner. D’autant plus que le Modem, décidément proche d’une véritable fronde, ne le soutiendra pas non plus. Ce gouvernement, qui vit peut-être ses dernières semaines, n’est pas en capacité de faire passer des textes autrement que par le recours aux procédures d’exception, dont l’usage est limité. Cette question n’est manifestement pas urgente ni prioritaire aux yeux des Français, plus préoccupés à juste titre par l’inflation qui galope, le pouvoir d’achat qui s’érode, les salaires qui stagnent, et s’il leur reste un peu de temps le climat qui s’emballe, la sécheresse et les incendies qui guettent, ou la situation géopolitique qui s’invite dans le débat. Des affaires courantes, certes, mais incontournables.