Le cancre
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 20 avril 2023 10:30
- Écrit par Claude Séné
C’est une figure imposée de l’histoire de l’école. Le cancre est probablement aussi ancien que l’enseignement lui-même. On le représente volontiers affublé d’un bonnet d’âne, mis au coin ou relégué au dernier rang de la classe, tout près du radiateur, où, parait-il, il aimerait s’épanouir. Cette variante du fada, de l’idiot du village, a cependant acquis ses lettres de noblesse grâce à Jacques Prévert, qui l’a réhabilité dans un poème célèbre, qui commence ainsi : « il dit non avec la tête. Mais il dit oui avec le cœur. » Grâce à lui, au fond, on l’aime bien, ce cancre.
C’est peut-être dans l’espoir de récupérer ce capital de sympathie que le président de la République, qui a largement échoué dans l’opinion publique en endossant le costume de premier de la classe, semble avoir décidé d’assumer le rôle de dernier de promo pour faire son Tour de France. Tous ceux qui ont eu l’occasion d’exercer le métier d’enseignant ont rencontré un jour ou l’autre un élève qui a choisi plus ou moins consciemment d’être en queue de peloton à défaut de pouvoir caracoler en tête. D’ailleurs, la place de lanterne rouge est presque aussi recherchée que celle de maillot jaune. Je crois qu’Emmanuel Macron peut être rassuré sur ce point : personne ne lui disputera le titre de politique le plus détesté du pays avant longtemps. Si mon explication vous parait tirée par les cheveux, je ne vois pourtant pas comment justifier, sinon, une attitude telle que celle du chef de l’état. On dirait bien qu’il cherche à narguer les Français en multipliant les déplacements dans le pays profond, où il reçoit l’accueil qu’il attend et qu’il sait mériter.
À moins qu’il ait choisi de laisser un exutoire à la colère populaire, afin qu’elle s’exprime vite et une fois pour toutes, ce qui serait un pari risqué. Le président a beau bénéficier d’un statut particulier, qui fait de lui un personnage irresponsable, il y a des limites à ce que peut supporter un peuple bafoué. Si certains politiques ont survécu aux « casseroles » symboliques des affaires d’État et des scandales de toutes natures, les concerts de casseroles et de batteries de cuisine bien réelles, peuvent faire du dégât. Il suffit de se reporter à la période de la décolonisation, où le slogan de « l’Algérie française » était scandé sur une série rythmique par ses partisans. Mauvaise cause, mais procédé terriblement efficace. La conclusion de cet épisode actuel, qui laissera des traces, est double. La première, Emmanuel Macron l’a dit lui-même : les Français n’auraient jamais dû revoter pour lui, ils étaient prévenus et n’ont donc que ce qu’ils méritent. Et la deuxième, c’est qu’un redoublement à l’identique, en politique comme en classe, ne permet pas de progresser.
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