Paris brûle-t-il ?

Ce n’est un secret pour personne que Rachida Dati, qui n’a pas réussi à décrocher le moindre secrétariat d’État depuis l’accession au pouvoir d’Emmanuel Macron, alors qu’elle peut se targuer d’avoir occupé une des fonctions les plus prestigieuses de l’état en étant Garde des Sceaux sous Nicolas Sarkozy, rêve de devenir calife à la place du calife en détrônant Anne Hidalgo de son poste de Maire de Paris. Pour ce faire, elle ne ménage pas sa peine en assistant personnellement et régulièrement aux séances du Conseil municipal, elle qui se faisait porter pâle fréquemment dans un passé pas si lointain.

À chacune de ses apparitions, la polémique rebondit et le torchon brûle entre ces deux personnalités, qui se rendent coup pour coup. Dans le feuilleton médiatique de leurs échanges musclés, j’en étais resté aux reproches récurrents de Rachida Dati sur la malpropreté de Paris, un état aggravé par le mouvement de grève des éboueurs et des employés des stations d’incinération. Anne Hidalgo se voyait reprocher son soutien aux grévistes en général et aux employés municipaux en particulier. Rachida Dati jouait alors sur le velours, Parisiens et touristes étant évidemment pénalisés par les montagnes d’immondices malodorantes et insalubres. Mais voilà qu’un scandale touche à présent un élu de l’opposition, appartenant au groupe de Madame Dati.

Nicolas Jeanneté a en effet été mis en examen pour plusieurs chefs d’accusation : trafic de stupéfiants et détention d’images pédopornographiques, qui rappellent beaucoup l’affaire Palmade, qui a fait plus grand bruit. On évoque aussi à son sujet la pratique de « chemsex », qui n’est pas illégale en soi. L’intéressé nie tout en bloc et son avocate demande le respect de la présomption d’innocence. Cependant, les deux femmes politiques que tout oppose depuis assez longtemps, alors qu’elles se respectaient malgré leurs opinions antagonistes, se sont saisies de l’affaire pour tenter d’en tirer un bénéfice politique. Anne Hidalgo demande des comptes sur les sanctions prises éventuellement par son adversaire, laquelle se pose évidemment en chevalier blanc et déclare avoir exclu Nicolas Jeanneté du groupe d’opposition. Ce que l’une comme l’autre fait semblant d’oublier, c’est que ce sont les électeurs qui ont placé Mr Jeanneté à son poste, et qu’eux seuls peuvent le désavouer, à condition qu’il démissionne ou qu’il devienne inéligible. Ce qui n’entre pas dans ses projets, puisqu’il a décidé de siéger comme non-inscrit au Conseil de Paris jusqu’à nouvel ordre. On retrouve à toute petite échelle un conflit de légitimité à l’œuvre dans l’exercice du pouvoir jusqu’au sommet de l’état. Même élu démocratiquement, un représentant peut faire passer son opinion ou ses intérêts personnels, avant ceux de ses mandants. Si bien que paradoxalement celui qui est supposé faire avancer l’intérêt général peut s’y opposer par ce biais personnel, et agir contre ceux qui l’ont désigné. Je ne cite personne.