Levée de boucliers

Si les particuliers utilisent de moins en moins les chèques, le gouvernement, quant à lui, a tendance à sortir le carnet de chèques à tout propos pour tenter de corriger partiellement les injustices et les inégalités qu’il a lui-même contribué à créer. Il planche toujours sur le chèque carburant pour remplacer la remise exceptionnelle à la pompe afin d’aider les automobilistes qui en ont le plus besoin à faire leur plein. Il y a aussi le chèque énergie pour subventionner le chauffage, au gaz ou à l’électricité, sans compter les boucliers de toutes sortes, destinés à protéger les plus nécessiteux d’un renchérissement général du coût de la vie.

Au train où vont les choses, ce sont bientôt les fruits et les légumes, devenus des produits de luxe, qu’il faudra subventionner, et il deviendra totalement inaccessible de consommer des protéines animales, ce qui serait un moindre mal, mais contribuerait encore davantage à marquer les différences sociales, les plus aisés continuant à pouvoir choisir leur alimentation, comme autrefois le caviar à la louche, même s’il n’en est pas meilleur. Le prototype de tous ces boucliers, c’est le bouclier fiscal, destiné à plafonner le montant des impôts payés par les plus riches, notamment l’impôt de solidarité sur la fortune, supprimé par Emmanuel Macron en 2017 et remplacé par l’impôt sur la fortune immobilière, beaucoup plus avantageux pour les riches, et qui a privé l’état de ressources qui seraient bien utiles pour financer les « cadeaux » fiscaux aux plus pauvres. Pour lutter contre l’inflation et en corriger les aspects négatifs, la stratégie gouvernementale consiste à empiler des mesures plus ou moins inefficaces, difficiles à calibrer, avec des effets de seuil, des effets d’aubaine ou de spéculation, qui en font régulièrement des « usines à gaz » qu’on ne sait plus diriger au bout d’un moment.

Alors qu’il faudrait prendre le problème à la base, à la racine, et relever le niveau des salaires pour que les travailleurs pauvres retrouvent du pouvoir d’achat et puissent vivre dignement tout en payant leurs cotisations sociales. Dans le dossier des retraites, cette question du partage de la valeur est centrale. On sait que certaines multinationales réalisent des profits indécents, sans que cela les empêche de licencier ou de fermer des entreprises, en ne laissant que des miettes aux salariés. Le pouvoir s’ingénie à faire croire qu’il peut étendre son égide, son bouclier surnaturel, sur tous les Français, ce qui est faux alors qu’il les maintient dans un système d’assistanat qu’il dénonce par ailleurs. C’est oublier un peu vite que même Achille, que sa mère avait plongé dans le Styx en le tenant par le talon pour lui conférer une invulnérabilité totale, possédait son point faible. Celui du président pourrait bien être son orgueil, qui le pousse à sous-estimer la force du mécontentement populaire.