Info quand tu nous tiens

Alors que je flânais un peu à la recherche d’une information susceptible de nourrir la réflexion ou de fournir un prétexte à l’un de mes questionnements matutinaux, mon attention a été attirée sciemment sur un sujet au demeurant d’une importance toute relative, dont je vous livre ici le contenu : « après Pierre Palmade, un autre artiste français arrêté près de Paris et positif à la cocaïne ! » Naturellement, vous brûlez de connaître le nom de cet « artiste », mais je dois vous décevoir. Son nom ne vous dira probablement rien, c’est un rappeur inconnu de mes services, et j’imagine des vôtres.

Mais surtout, quand on lit le corps de l’article, on apprend que si le premier contrôle policier avait effectivement décelé des traces de cocaïne, des examens plus approfondis avaient conclu à son absence. Autrement dit, ce fait divers est en réalité une non-information. Alors pour quelle raison titrer sur Pierre Palmade, qui pour le coup n’y est vraiment pour rien, sinon pour piéger le lecteur, et surfer sur l’intérêt éventuellement malsain provoqué par la descente aux enfers de l’humoriste ? s’agissant d’une information sponsorisée par le site du journal « Public », cela semble relever ni plus ni moins d’une technique dite de « pute à clics » destinée à générer du trafic et justifier le financement par des annonceurs publicitaires. Bien avant la création d’Internet, une maxime était énoncée par Yvan Audouard, et reste toujours valable : « une information plus un démenti, cela fait deux informations pour le prix d’une. Et c’est toujours la fausse qui reste dans les mémoires. » Seuls les supports ont changé. Le principe de la rumeur et du sensationnel n’a pas disparu, parce que le public reste friand de scandale, et je ne m’exclus pas de ce cénacle qui se repait de nouvelles croustillantes.

Ce Moloch réclame sa chair fraîche quotidienne, et il est en manque s’il ne l’obtient pas. L’information agit comme une drogue dure sur un public avide de sensations, même s’il feint de s’en offusquer. Ce sont les journalistes qui en sont les dealers. Comme le faisait dire Billy Wilder à l’un de ses personnages : « je traite les grandes et les petites informations, et s’il n’y a pas d’information du tout, je sors dehors et je mords un chien. » Et nous, qui consommons, sommes les victimes consentantes de ce petit trafic entre amis. Certains vont plus loin, comme ces courageux commentateurs anonymes qui accusent la presse de complaisance et Pierre Palmade de simulation d’un AVC imaginaire au nom d’un complot délirant. Mais la plus grande partie se contente de jeter un œil plus ou moins distrait, comme moi, comme toi, hypocrite lecteur, mon semblable, mon frère, sans penser une seule seconde participer à cette vaste addiction.

Commentaires  

#2 Rejack 14-03-2023 01:22
Non ! fini je ne me laisse plus avoir par ces titres racoleurs. Peut-être suis-je ringard mais je reste sur les grands quotidiens.
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#1 jacotte86 13-03-2023 11:16
si si je suis consciente d'y participer...parfois le malheur ses autres me console!
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