Pour l’honneur
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 8 mars 2023 11:43
- Écrit par Claude Séné
L’honneur est une vertu qui aurait tendance à se perdre, si j’en juge par l’incident qui a émaillé les discussions à l’Assemblée nationale sur un projet de loi présenté par Renaissance visant à rendre inéligibles les auteurs de certaines violences. Le député Adrien Quatennens semblait visé par un texte apparemment fait sur mesure pour le disqualifier. Mais vous savez ce que c’est, dans le feu de la discussion, le président du groupe Les Républicains, Olivier Marleix n’a pas pu s’empêcher de rappeler au ministre de la Justice, Éric Dupont-Moretti, présent aux délibérations, qu’il était lui-même sous le coup de deux procédures, ce qui lui a valu une réponse lapidaire et imagée sous la forme de deux bras d’honneur du Garde des Sceaux.
Scandale dans la famille ! Et tollé mérité contre le ministre, qui a tenté maladroitement de justifier son geste, qui ne se serait pas adressé à l’Assemblée, mais à la cantonade, pour finalement présenter des excuses tellement embrouillées qu’elles en devenaient incompréhensibles. Sur ce geste, les bandes vidéo seront accablantes, et de simples excuses paraissent insuffisantes, au vu des sanctions prises à l’encontre de députés pourtant moins grossiers. Pour ceux qui seraient en retard d’une guerre, rappelons que la pratique du bras d’honneur remonte à la guerre de 100 ans, ce qui ne nous rajeunit pas, et nous ramène à un passé peu glorieux. Le geste, ou son dérivé le doigt d’honneur, reste essentiellement obscène et n’a rien d’honorable. On a mis l’honneur à toutes les sauces, notamment quand François Premier, battu à plates coutures à Pavie, où périt Monsieur de La Palice en 1525, dix ans après Marignan, s’écriait que tout était perdu à part l’honneur, ce qui reste à démontrer. Car l’honneur est une notion toute relative, comme le démontre cet échange attribué à Robert Surcouf, célèbre corsaire français avec un officier anglais. Celui-ci lui aurait lancé : « vous autres Français, vous vous battez pour l’argent, tandis que nous, Anglais, nous nous battons pour l’honneur ! » à quoi Surcouf aurait répliqué : « c’est vrai, Monsieur, chacun se bat pour ce qu’il n’a pas. »
Nul doute qu’Éric Dupont-Moretti se pique d’honorabilité et ne laisserait personne en douter. Mais ses gestes détruisent ce que son éloquence voudrait attester. Toutefois, si l’on devait faire démissionner les ministres chaque fois qu’ils se montrent méprisants avec leurs interlocuteurs, il ne resterait plus grand monde au gouvernement. Il faudrait donc trouver une sanction adaptée, plus sévère que la simple réprimande dont s’est fendue la présidente de l’Assemblée visiblement en service commandé. Cette agitation secondaire à propos d’un texte finalement rejeté par les députés ne doit pas faire oublier le conflit social en cours, dont le succès ne se dément pas, journée après journée. Le président aurait grand tort de croire qu’il s’agit d’un baroud d’honneur, et que la résignation l’emportera. L’honneur consiste parfois à reconnaître ses torts.