Alopécie

La prise de parole de la Première ministre pour tenter d’expliquer le bien-fondé d’une réforme des retraites de plus en plus rejetée par ceux-là mêmes qu’elle est supposée « sauver » de la banqueroute, a été largement éclipsée par l’interview de son prédécesseur, Édouard Philippe, dont le grand public a oublié jusqu’à l’existence, et qui revient sur le devant de la scène pour de mauvaises raisons. En effet, c’est son apparence physique plus que son positionnement politique sans surprise qui a attiré l’attention, au point de l’amener à expliquer lui-même les raisons de sa transformation. Édouard Philippe, que l’on avait connu grisonnant, poivre et sel, avec un début de calvitie, a perdu ses sourcils, sa moustache, et la pigmentation particulière de sa barbe.

Rien de grave, nous dit-il. Une simple alopécie, nom savant de la perte des poils généralement liée à l’âge. Et c’est là que le bât blesse. Édouard Philippe a perdu sa pilosité, mais il a pris 10 ans, au bas mot. Cette transformation souligne le fait qu’il a disparu des radars politiques depuis son départ du poste de Premier ministre, en juillet 2020. Cela équivaut à une éternité, quand on sait que l’histoire ne repasse jamais les plats, et qu’ils sont rarement meilleurs réchauffés. Malgré son mètre quatre-vingt-neuf, il reste fidèle à sa méthode de petit Poucet, en semant des petits cailloux derrière lui. Il soutient la réforme tout en rappelant que la sienne était plus ambitieuse, donc meilleure, imagine-t-on. Il en profite aussi pour rappeler le rendez-vous qu’il croit avoir avec la France en 2027, quand le président achèvera son deuxième et dernier quinquennat. Et là, le symbole est cruel. Il n’aura que 56 ans, mais on lui en donne déjà plus actuellement. Édouard Philippe pourrait être victime du mythe de Samson, dont la force résidait dans les cheveux.

Je précise tout de suite à l’intention de l’ancien ministre sarkozyste Frédéric Lefebvre qui confondait marque de vêtements et ouvrage de Voltaire, que ce n’était pas de la chanteuse Véronique dont il s’agit, ni de sa consœur Dalida pour lui donner la réplique, mais bien du personnage biblique. On sait que Samson, si fort qu’il pouvait tuer un lion à mains nues, ou écarter les colonnes d’un temple pour le faire s’écrouler sur ses adversaires, a été trahi par Dalila, qui, lui ayant soutiré le secret de sa force, lui a rasé les 7 tresses qu’il portait et l’a livré à ses ennemis. L’image subliminale de l’ancien Premier ministre dépouillé de ses attributs pileux pourrait se révéler dévastatrice, d’autant plus que les candidats éventuels à revendiquer l’héritage électoral macroniste vont se bousculer au portillon. Difficile de savoir si Édouard Philippe aurait intérêt à faire table rase du passé, et comme beaucoup de personnes qui perdent leurs cheveux, à se mettre la boule à zéro.