À marche forcée
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mercredi 1 février 2023 11:11
- Écrit par Claude Séné
La plupart des observateurs se sont demandé pourquoi le président de la République s’était à ce point précipité pour faire adopter une nouvelle réforme des retraites, alors même que des ajustements prévus par les lois précédentes n’avaient même pas encore été mis en œuvre et que le projet ambitieux précédent de retraite par points avait été désavoué par la nation dans un passé récent. Il semblerait qu’Emmanuel Macron s’attendait à une opposition à son projet, dont il a fini par admettre le côté sacrificiel, après avoir vanté un aspect de justice et d’équité bien difficile à défendre. Il a pourtant vu juste sur un point.
Plus le temps passe, plus le mécontentement augmente. Le succès de la deuxième journée de mobilisation démontre le peu de prise des arguments ministériels sur une opinion décidément difficile à convaincre. Jusque dans les rangs de la majorité toute relative qui est supposée soutenir le projet, on s’inquiète des retombées sur l’électorat et du risque d’être désavoué aux élections suivantes. La bataille parlementaire n’est donc pas jouée d’avance, même si le gouvernement a échappé à une motion référendaire en manipulant quelque peu le règlement de l’Assemblée. En raccourcissant les débats, le président espère diluer l’effet caisse de résonnance réciproque entre la rue et les parlementaires. Cependant, le sujet des retraites n’est pas le seul à préoccuper les Français. L’inflation et la hausse du coût de la vie, en particulier la flambée de l’énergie, renforcent l’inquiétude. Dans ce contexte, l’exécutif a cru malin de détourner l’attention en présentant son projet de loi sur l’immigration en conseil des ministres.
C’était destiné à être l’arme fatale, prenant à revers la gauche comme la droite ainsi que le rassemblement national. Encore fallait-il lui faire de la place dans un calendrier législatif chargé. La France s’est fait une spécialité d’empiler les textes de loi sans se préoccuper nécessairement de leur mise en application. Dans ce mille-feuille législatif, le texte présenté par Gérald Darmanin se veut « sucré-salé » très avancé et très répressif. Il poursuit des objectifs contradictoires d’expulsions et d’accueil qui pourraient le faire rejeter très largement par les uns et les autres. On en est au point où le président en est réduit à brandir une nouvelle fois la menace d’une dissolution de l’Assemblée nationale, au cas où sa propre majorité lui ferait faux-bond. C’est une arme de dissuasion massive, mais aussi un fusil à seul coup, qui ne ferait qu’aggraver la situation d’Emmanuel Macron en cas de nouvel échec. Le président a beaucoup de pouvoirs en France, mais pas celui de dissoudre le peuple. Après la République en marche, puis Renaissance, le parti présidentiel pourrait devoir adopter l’appellation de Résurrection pour espérer garder le pouvoir. À moins qu’il n’ait droit au goudron et aux plumes.