Le coup de talon
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 23 janvier 2023 10:50
- Écrit par Claude Séné
Vous savez, c’est ce que l’on dit quand on est en train de descendre inexorablement en direction du fond de la piscine. Il faudrait avoir le courage de se laisser glisser pour préparer le coup de talon salvateur qui permettra de remonter et éviter ainsi la noyade. C’est un peu l’impression qui s’impose devant la dégringolade de la gauche française, dont le dernier épisode en date, la désignation contestée d’un premier secrétaire au parti socialiste a confirmé l’état de délabrement. Les socialistes qui ont continué à prendre leur carte se sont partagés en deux moitiés sensiblement égales dont chacune estime qu’elle peut imposer sa règle à l’autre.
Le temps où un leader charismatique pouvait fédérer les tendances, à la fois faiblesse et force d’un mouvement de progrès, parait révolu. Il ne s’agit pas seulement d’une nouvelle répartition de l’influence des uns et des autres, comme on a pu la connaître au moment de la création du Parti Communiste en 1920, ou de l’élaboration d’un programme commun de gouvernement en 1972. Bien sûr, l’émergence de la France insoumise dans le sillage du score de Mélenchon aux présidentielles de 2017 et de 2022 a modifié les rapports de forces, mais ne peut pas faire oublier que la gauche, toutes options confondues, a fait un de ses pires scores depuis la création de la 5e république. Le PS ne s’est jamais remis du quinquennat de François Hollande, qui a mis en œuvre des politiques que Macron, appartenant d’ailleurs au gouvernement, n’a pas désavouées par la suite, tout en acceptant de plus en plus de défendre sa droitisation. La notion de deux gauches irréconciliables date de cette époque, même si elle était déjà en germe auparavant, et n’a cessé de faire des dégâts.
On ne peut pas dire non plus que le parti de Mélenchon montre en ce moment l’image d’une démocratie apaisée, et l’épisode Adrien Quatennens n’a pas arrangé les choses. Seul peut-être à tirer son épingle du jeu, le parti écologiste semble avoir tiré les leçons de résultats électoraux parfois décevants en renouvelant sa direction. On apprend pourtant au détour d’une prise de position que certains ministres seraient issus des rangs de la « gauche ». La force de leurs convictions n’a jamais dû les étouffer, et la taille des couleuvres qu’ils ont éventuellement avalées ne les a pas trop dérangés. C’est peut-être là que le bât blesse le plus. Les places de direction des partis de gauche sont trop souvent occupées par des technocrates manquant cruellement d’idéaux et de culture progressiste, capables de changer d’écurie sans même s’en apercevoir, tel un Macron qui déclarait en 2019 que relever l’âge de départ en retraite serait « hypocrite ». Vous l’aurez compris, d’ici à 2027, « travaillez, prenez de la peine » et ne comptez pas trop sur les mouvements sociaux.