Ce n’est pas grave, mais…

J’ai remarqué avec un certain agacement que le présentateur vedette du service public de la télévision qui officie pendant le week-end en se prenant pour le chef d’antenne qui distribue la parole selon son bon plaisir, avec une suffisance et une estime de soi que rien ne justifie à mes yeux sinon un physique avantageux, le sieur Delahousse pour le nommer, était apparemment incapable de prononcer le moindre « é » muni d’un accent aigu. Ce qui nous gratifie de mots bizarres tels que la flambaie, la pinçaie, le lyçaie, qui ont une ressemblance avec les originaux tout en s’en distinguant.

Pour être honnête, il me faut expliquer que dans mon Finistère natal, c’est l’inverse qui se produit. Tous les mots dans lesquels se trouve le son « ai » sont prononcés comme s’ils s’écrivaient avec un « é » accent aigu. On dira par exemple une bouteille de « lé ». Cette déformation fait partie de l’accent breton que nous appliquons au français, et qui ne gêne personne dans les départements concernés. Toutefois, j’estime que nous sommes en droit d’attendre d’un journaliste national, quelles que soient ses origines régionales, qu’il maîtrise les niveaux de langage en fonction des circonstances. Pour ma part, lorsque je suis arrivé en Loire-Atlantique, département revendiqué par les régionalistes bretons, je me suis aperçu que les élèves à qui j’essayais d’apprendre les bases de l’enseignement, lire, écrire et compter, avaient, à cause de moi, énormément de difficultés pour identifier les mots comprenant ces sons, et me demandaient de préciser. Il a bien fallu que je rééduque mon oreille pour m’adapter à la situation et me faire comprendre des enfants qui m’étaient confiés. Petit à petit, j’ai perdu ce particularisme, mais il revient instantanément quand les circonstances s’y prêtent.

Je suis loin d’être le premier à avoir noté cette prononciation particulière. J’avais été frappé également de relever dans « Les chouans » d’Honoré de Balzac, qui ouvre la série de la Comédie humaine, une graphie apparemment fautive du mot pichet, présenté sous la forme « piché » qui ne se trouve dans aucun dictionnaire de ma connaissance, et qui semble avoir été placé là volontairement, pour imager une prononciation impossible sinon à représenter. Vous avouerez que l’on pourrait se trouver en moins fameuse compagnie, et si mon erreur a été signalée par un aussi grand écrivain, elle s’en trouve rehaussée, et ma faute, à demi pardonnée d’avoir été avouée publiquement. Nous passerons sur la licence poétique qui a amené le grand Balzac à situer la révolte des chouans en Bretagne, ce qui revient à remettre Nantes et ses alentours au cœur de cette région, une question qui n’est d’ailleurs toujours pas tranchée de nos jours. Cela ne devrait pas dispenser Laurent Delahousse d’un petit stage de remise à niveau, par respect des téléspectateurs.