Parole contre parole
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 17 décembre 2022 10:31
- Écrit par Claude Séné
C’est un évènement rarissime qui vient de se produire avec l’annulation par la Cour de révision de la condamnation pour viol de Farid El Haïry, accusé à tort par une jeune fille âgée de 15 ans au moment des faits, qui est revenue sur ses déclarations 24 ans après avoir désigné cet homme. Il n’y aura donc pas de nouveau procès. La condamnation reposait exclusivement sur le témoignage de la jeune fille, qui se révèlera être effectivement une victime, mais pas celle de l’homme qu’elle a désigné à l’époque, mais de son propre frère, coupable d’inceste et de viols répétés.
L’aveu de Julie, prise dans un conflit de loyauté qui l’empêchait de désigner le véritable coupable, ne saurait annuler le tort immense qu’elle a causé à Farid El Haïry, lui-même mineur à cette époque, condamné à 5 ans de prison dont 10 mois fermes, et rongé depuis par cette injustice et le désastre moral d’être considéré coupable d’un crime qu’il n’a pas commis et qu’il a toujours nié. Depuis quelques années désormais, la parole des victimes a acquis le droit d’être libérée, et reconnue, ce qui est une bonne chose. Cette reconnaissance ne saurait se substituer à l’exigence du droit de tout un chacun à un procès équitable, dans lequel l’accusé peut et doit être entendu, où il sera assisté par un avocat, au besoin fourni par la société, et ce quelle que soit la gravité des faits qui lui sont reprochés. À l’issue du procès, l’institution établit une « vérité judiciaire » qui devient la seule officielle. Dans une affaire comme celle-ci, avec un dossier vide, sans preuves ni aveux, tout a reposé sur le témoignage de la jeune fille, à charge tout d’abord, puis à décharge.
Or, on sait parfaitement la fragilité de ces témoignages, qui peuvent être fallacieux, pour des tas de raisons. Souvent recueillis après-coup, influencés par des proches ou l’opinion publique, parfois animés par une intention de nuire, ou des préjugés, parfois sincères, mais erronés. C’est le travail de la justice de démêler le vrai du faux, et c’est son devoir, dans certains cas, de ne pas conclure, sachant que le doute doit profiter à l’accusé, qui est présumé innocent jusqu’à une condamnation définitive. Dans ce cas précis, la justice ne pouvait pas rendre un verdict équitable. Elle a pris le risque de se tromper, et Farid El Haïry en a payé les conséquences, sans aucun bénéfice pour son accusatrice, dont la prise de conscience tardive ne lui permet pas de trouver le soulagement. Cette affaire est exemplaire à plus d’un titre. Elle démontre le danger de croire sur parole une victime éventuelle, et le risque de conclure trop facilement sur la foi d’indices concordants à une culpabilité non démontrée. Il est tentant de désigner un coupable à tout prix pour contenter les parties civiles et la société, mais ces satisfactions apparentes peuvent être illusoires.