L’urgence d’attendre

Voici quelques semaines que mon caissier ou ma caissière me prévient qu’à partir du 1er janvier prochain, l’enseigne que je fréquente habituellement, et dont je tairai le nom pour ne pas faire de publicité à Leclerc, ne me délivrera plus de ticket de caisse. Mieux, ou pire, c’est selon, j’ai déjà la possibilité de refuser l’impression de ce fameux ticket qui semble responsable d’une part non négligeable du gaspillage et donc de la survie de la planète. Pensez donc, il y aurait chaque année près de 30 milliards de ces facturettes inutiles qui finissent dans les poubelles et ne sont même pas recyclées.

Les commerçants ont bien entendu le message gouvernemental, d’autant plus qu’il n’y a pas de petites économies et qu’ils ont flairé la possibilité de réduire un poste budgétaire, même minime, en faisant de surcroît un geste pour la planète. J’ai souvenir qu’ils ont été moins zélés quand il s’est agi de supprimer les phénols, dont le fameux bisphénol A dans le processus de révélation thermique de ces facturettes. En revanche, ils restaient dans le flou sur la question du ticket de caisse qui fait foi, pour la bonne raison que la circulaire d’application des nouvelles dispositions n’était pas encore parue. Ce qui a donné le temps à une bonne douzaine d’associations sur les 15 composant le Conseil national de la consommation, de tirer la sonnette d’alarme et d’alerter sur les inconvénients éventuels de la mesure.

Comme à sa mauvaise habitude, le gouvernement a dégainé sa réforme d’abord, et a pensé à consulter ensuite. Je ne serais pas surpris que le ministère de la Transition écologique ait été influencé par un cabinet de conseil, comme McKinsey, connu pour facturer très cher l’enfonçage de portes ouvertes. Conclusion de tout ça, le décret d’application a bien été publié au journal officiel, mais sa date d’effet est reportée au 1er avril, ce qui n’est pas une blague, pour laisser le temps aux commerçants de s’adapter à une mesure qu’ils avaient déjà anticipée. Je soupçonne pour ma part que ce sont les Français que la ministre veut ménager, sans donner l’impression de reculer sur l’image antigaspi à l’honneur actuellement. À l’approche des fêtes, et face aux menaces de coupures d’électricité, il faut « positiver ». Les mauvaises nouvelles sont priées d’attendre. C’est dans ce contexte qu’il faut apprécier également le report de la publication du projet de loi sur les retraites. Il devait être annoncé la semaine dernière et ne sera finalement connu qu’au 15 janvier, notamment sur la question de l’âge de départ. Tout porte à croire qu’Emmanuel Macron n’a pas l’intention de reculer sur les 65 ans pourtant rejetés par une majorité écrasante de Français. À mon humble avis, c’est reculer pour tenter de mieux sauter.