Démocratie directe

Giscard en a rêvé, Macron l’a fait. Comme son déjà lointain prédécesseur, le président s’adresse le plus souvent possible à ses sujets en les regardant au fond des yeux. Giscard s’invitait chez les Français à la télévision, et aussi, tapait l’incrust' en leur demandant une hospitalité qu’ils ne pouvaient pas refuser. De nos jours, c’est par l’intermédiaire des réseaux sociaux que le chef de l’état essaie de faire passer sa communication, en court-circuitant les canaux traditionnels. C’est ainsi qu’il a diffusé sur You tube une vidéo, non sans l’avoir annoncée au préalable par Tweeter, pour faire ses annonces en matière d’écologie.

La mesure phare concerne le projet de développer une infrastructure ferroviaire dans une dizaine de métropoles régionales en créant des RER sur le modèle de celui d’Île-de-France. Un chantier d’autant mieux accueilli, y compris dans les régions tenues par l’opposition, que les collectivités concernées le réclamaient depuis longtemps, et avaient, pour certaines, des projets en cours d’élaboration. Sur le fond, donc, un certain consensus se dégage. Il s’agit d’offrir à la population urbaine une alternative à la voiture individuelle, polluante, et nécessitant une empreinte au sol beaucoup plus prégnante que les transports collectifs. On espère ainsi désengorger les centres-villes sans pénaliser excessivement leurs habitants. Cela permettrait également de simplifier les trajets domicile-travail dans les grandes agglomérations. Bref, les régions et les communes susceptibles d’être concernées se manifestent pour ne pas être oubliées, un peu comme au début des lignes TGV pour avoir leur arrêt.

Sur la forme, c’est une autre histoire. On voit bien qu’Emmanuel Macron a précipité son annonce, alors que cette mesure pourrait faire partie d’un plan plus global, négocié en concertation avec les partenaires sociaux. Ce serait oublier que le chef de l’état n’aime rien tant que le contact direct, si possible en tête-à-tête, ou en petit comité, où il peut s’appuyer sur un sens aigu de la rhétorique. C’était déjà vrai quand il s’appuyait sur une majorité parlementaire tout acquise à sa cause, et cela s’est amplifié depuis qu’il n’a plus qu’une majorité relative et qu’il doit gouverner aux forceps à coups de 49,3. Cette manière de doubler tout le monde pour aller se placer en tête du cortège, et faire croire qu’il est l’inventeur du mouvement, ressemble bien à de la démocratie directe, dans la mesure où il passe par-dessus les corps constitués, mais elle en est, en réalité, l’exact opposé. Sur le papier, dans les réseaux sociaux, un égale un, et chaque citoyen est libre de répondre à qui que ce soit, y compris au président de la République, mais en pratique, la parole de l’un et de l’autre n’ont pas le même poids. Ce n’est pas un hasard si certains sont qualifiés de « followers », de suiveurs, tandis que d’autres ont un statut d’influenceur.