Ça commence à bien faire

La phrase est de Nicolas Sarkozy, en marge du Salon de l’agriculture de 2010, et c’est l’Environnement qui était dans le collimateur du chef de l’état. Alors qu’il avait lancé lui-même en mai 2008 le « Grenelle de l’Environnement », Sarkozy va amorcer un virage complet sur le sujet pour se ménager les bonnes grâces des agriculteurs. Il va donc charger le ministre de l’Agriculture de l’époque, un certain Bruno Lemaire, de modifier les modalités d’application des engagements en matière écologique pour détricoter les contraintes notamment en matière de pesticides.

L’ancien ministre de l’Agriculture, devenu ministre de l’Économie et des Finances après avoir rallié Emmanuel Macron, semble avoir retenu la leçon, mais il s’en prend quant à lui au fonctionnement démocratique, jugeant « interminables » les débats que le gouvernement a lui-même initiés pour valider des dispositions destinées à rendre du pouvoir d’achat aux Français, pénalisés par l’inflation et la hausse du coût de l’énergie. Selon Bruno Lemaire, on assisterait à « un vrai dévoiement du débat démocratique » et à un exemple de « pure politique politicienne », parce que les groupes d’opposition à l’Assemblée nationale ont eu l’outrecuidance de proposer de nombreux amendements, et pire encore, de réussir à les faire adopter dans un certain nombre de cas. Évidemment, le ministre regrette le temps où il suffisait de proposer un texte, d’accepter un simulacre de débat pour respecter les formes démocratiques et d’attendre tranquillement que des députés « playmobils » votent les lois comme un seul homme, le petit doigt sur la couture du pantalon.

Le vote aux dernières législatives a rebattu les cartes en mettant fin à une majorité automatique et en autorisant un fonctionnement nettement plus démocratique, dont Bruno Le Maire a déjà soupé, qui lui impose de trouver des compromis pour faire passer ses idées, qui n’ont pas changé, celles d’un libéralisme qui se fout royalement des inégalités sociales, qu’il feint de combattre à la marge, en se gardant bien de les résorber. Les députés d’opposition l’ont pris au mot en surenchérissant sur certaines mesures de compensation, y compris en aidant les particuliers à se chauffer au fioul, faute de mieux, ou à faire le plein de leur véhicule. Jusqu’aux députés du groupe Horizons de l’ancien Premier ministre Édouard Philippe, qui ont fait faux bond à la majorité présidentielle dont ils sont censés faire partie. Autant de petits tracas qui passent tant que l’on ne touche pas à l’essentiel : une augmentation des salaires, à commencer par les plus modestes, qui mettrait en péril la pyramide sociale qui permet à une toute petite minorité de conserver ses privilèges et aux barons d’industrie de se maintenir au sommet de la chaîne alimentaire. Par précaution, on peut parier que les sessions parlementaires seront désormais réduites à leur minimum légal.