L’économie pour les nuls (suite)

Après avoir, je l’espère, éclairé quelque peu votre lanterne, que le gouvernement persiste à faire passer pour une vessie, sur les sujets économiques du quotidien, je vais tenter d’aborder un échelon plus vaste, que l’on a l’habitude de qualifier de « macro-économie ». Vous allez voir que ce n’est pas beaucoup plus compliqué. Souvenons-nous. Quand Emmanuel Macron s’est présenté aux élections présidentielles de 2017, il sortait d’un passage au gouvernement comme ministre de l’Économie et des Finances et il était précédé d’une réputation de « meilleur économiste de France » comme Raymond Barre ou Giscard d’Estaing en leur temps, sans avoir rien démontré jusque-là.

Pour faire campagne, et récolter des fonds, le futur président promettait la lune, mais pas à n’importe qui. Aux riches, voire aux très riches, en s’engageant à supprimer l’Impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, le symbole de la taxation des grosses fortunes. Pour tenter d’échapper à la critique d’une aggravation massive des inégalités, il se saisissait d’une théorie farfelue, dite du ruissellement. Selon lui, en donnant encore plus d’argent aux plus aisés, celui-ci ruissellerait naturellement et serait réinvesti dans l’économie nationale pour le profit de tous. Non seulement Emmanuel Macron va tenir parole, remplaçant l’ISF par l’impôt sur la fortune immobilière, mais il va instaurer une taxe uniforme de 30 % sur les revenus du capital, favorisant la distribution de dividendes dans les plus grosses entreprises. Ces deux mesures étaient supposées freiner le départ des plus riches vers des cieux plus cléments fiscalement, et même destinées à faire revenir les gros contribuables en France, moyennant une amnistie fiscale.

Pour se donner le beau rôle et faire preuve d’une honnêteté intellectuelle dont il est dépourvu, le futur président s’engageait à créer un organisme pour évaluer les résultats ainsi obtenus. Habituellement, ces promesses restent lettre morte, et les comités Théodule ne voient jamais le jour. Par une malchance insigne, le comité France Stratégie, pourtant rattaché à Matignon, a publié les résultats de ses travaux, du moins jusqu’à l’automne 2021, et ils ne sont guère concluants. Enfin si. L’objectif de permettre aux riches d’être encore plus riches a bien été atteint, et au-delà de toutes espérances. 0,1 % des foyers fiscaux, soit 39 000 familles de contribuables, se sont partagé 62 % des dividendes distribués, et 310 foyers ont obtenu une augmentation de plus d’un million d’euros entre 2017 et 2018 et 2019. Concernant le réinvestissement, il est impossible de savoir s’il a profité au pays. Bercy invoque de possibles effets à long terme, auxquels le ministre Bruno Lemaire ne croit visiblement pas lui-même. Pour une fois que l’on essaye d’évaluer l’impact d’une politique publique, ce n’est vraiment pas très encourageant. On est sans nouvelles de l’organisme France Stratégie et à mon humble avis, on n’est pas près d’en recevoir, s’il continue à travailler. Quant à l’optimisation fiscale, sans même parler de fraude, elle se porte toujours bien, merci.