Merde alors !

J’espère que vous me pardonnerez cette exclamation pour le moins vulgaire ou grossière, au choix, quand vous aurez lu ce billet…

Si j’en crois toutes les expressions auxquelles est associé ce gros excrément de l’homme, appelée aussi matière fécale, elle a une place importante dans notre vie, pour exemple :

Semer la merde, foutre la merde, se prendre pour de la merde, être dans la merde, avoir de la merde dans les yeux, couvrir quelqu’un de merde, avoir le nez dans sa merde, on a un œil qui dit merde à l’autre, être fouille-merde…

Il est temps de lui rendre ses lettres de noblesse, que Cambronne à lui tout seul n’a pas su lui donner !

C’est une matière composée à 85 % de cellulose et de fibres musculaires non digestibles, de 5 % d’azote, 3 % de phosphore, 2 % de potassium. Au XVIIe siècle, on s’intéresse aux excréments, le livre « la pharmacie de la merde » étudie les possibilités de guérison qu’ils offrent. Aujourd’hui, son observation informe sur la santé, c’est un matériel clé pour de nombreux diagnostics, biochimique, parasitologie, virologie, bactériologie.

Depuis l’Antiquité, les excréments ont été utilisés comme engrais agricoles, souvent considérés comme les meilleurs ! Jusqu’à la fin du XIXe siècle les déchets des villes étaient récupérés dans les campagnes, les engrais chimiques ont tué cette synergie ville campagne.

Jusqu’au XVIIIe siècle c’était à chacun sa merde, puis c’est devenu un problème de collectivité sur l’impulsion du baron Haussmann, en 1887, on a commencé à créer le tout-à-l’égout, pour en venir à une obligation d’assainissement individuel avec les fosses septiques, puisque jusqu’en 1992 20 % de la population n’avait pas de solution d’assainissement. À partir de 1960, les stations d’épuration vont aider au recyclage de ces matières qui possèdent un potentiel énergétique et nutritif intéressant. Mais il y a un sérieux blocage psychologique pour les utiliser au maximum, le principal débouché c’est leur transformation en eau.

Le principe est simple : les déchets sont chauffés, on recueille la vapeur, on filtre pour obtenir de l’eau potable, les résidus sont brûlés, leur fumée approvisionne un générateur d’électricité, la machine s’autoalimente.

Ces mêmes résidus peuvent devenir des matériaux de construction une fois séchés en briques, ou ajoutés à du ciment, en Suisse on récupère les cendres pour extraire le phosphore transformé ensuite en engrais. Au Rwanda, les prisons sont alimentées en énergie à partir des excréments des détenus transformés en biogaz inodore. En Israël, les eaux usées deviennent de la pâte à papier exportée jusqu’au Mexique et en Hongrie. À Bristol, « les biobus » circulent grâce aux excréments humains après retraitement des eaux usées.

La NASA s’en occupe pour le confort de ses astronautes dans l’espace, les seules choses nocives qu’elle contient ce sont des restes de médicaments, une fois retirés, on obtient un fertilisant parfait, c’est presque un cycle fermé !

En ces temps d’urgence d’économie d’énergie, peut-être que le kit individuel de recyclage de ses excréments, proposé par la start-up « Univers-selle », prendra-t-il l’extension qu’il mérite, je vous avais prévenu, notre caca vaut déjà de l’or et mérite bien sa réhabilitation.

L’invitée du dimanche