Objets inanimés…

Avez-vous donc une âme qui s’attache à notre âme et la force d’aimer ? Ce début de poème de Lamartine n’a fait qu’inspirer le billet d’aujourd’hui, billet très personnel, et en même temps universel j’en suis sûre, et qui pourrait être mon conte de Noël.

Il est temps de chercher les cadeaux qui pourraient faire plaisir à ceux qu’on aime encore plus nécessaires cette année que jamais pour adoucir la dure réalité.

J’ai la chance d’avoir des enfants qui ont réussi dans la vie, et qui prétendent n’avoir pas d’envie particulière, trop gâtés sans doute ! J’ai proposé à mon aînée de faire restaurer son premier cadeau de Noël, à l’âge de 18 mois, un ours en peluche, nommée plus tard Caroline, et qui a subi les sévices du temps et les assauts d’un chien de la maison. Il lui manque une oreille, j’ai arrêté l’hémorragie de la paille de son bourrage au bout des mains et des pieds, bref elle a piètre allure, mais elle a résisté à plus de huit déménagements, et a eu le droit à une place d’honneur sur la commode de ma chambre à coucher.

 Ma proposition a été acceptée avec un grand enthousiasme et une grande reconnaissance, rien ne pouvait lui faire plus plaisir que de récupérer ce premier jouet de son enfance. Après des recherches, j’ai trouvé une clinique de nounours, et le moment est venu où il a fallu emballer Caroline et l’expédier à l’autre bout de la France. Au moment fatidique de fermer ce colis, j’ai éclaté en larmes, submergée par la tristesse de me séparer d’elle !

J’ai réalisé que ce qui paraissait pour les autres un pitoyable jouet était pour moi porteur d’un morceau de mon histoire. Dès son apparition dans notre vie tranquille dont je garde un souvenir heureux, ce matin de Noël (ou le grognement de sa boîte à musique a fait peur), jusqu’au dénouement qu’a représenté pour moi le départ de ma fille de la maison, elle ne m’a jamais quitté, m’aidant à accepter cette absence qui m’était si douloureuse… glissement d’identité, Caroline c’était ma fille encore à la maison…

 Pour moi s’est présenté un dilemme, la garder et priver sa première propriétaire du plaisir de la retrouver, ou m’en séparer et n’avoir plus de substitut à l’absence !

J’ai réfléchi, Caroline va partir loin de moi et renversant un peu les rôles, j’ai demandé à ma fille de m’envoyer pour mon Noël un nounours portant son empreinte, n’étant pas encore prête et peut-être ne le serai-je jamais, à ne pas trouver dans ma maison une trace de son existence !

Ainsi va la vie, certains me trouveront peut-être trop sentimentale, trop émotive, mais je défie pourtant quiconque, de ne pas avoir dans sa vie un ou plusieurs objets auxquels il est attaché, parfois inattendu, un bijou, un foulard, une photo, que sais-je, qui leur confère une âme… « toute chose n’ayant d’autre signification pour chacun, que celle que chacun peut leur prêter » Villiers de L’Isle-Adam.

PS Caroline n’est pas encore revenue de sa clinique, mais depuis qu’elle ne veille plus sur moi, je dors beaucoup moins bien !!!

L’invitée du dimanche

Commentaires  

#1 Lalou 22-11-2020 19:07
Superbe, Jacotte, j'adore ce que tu racontes là, j'ai plusieurs histoires de ce type, la plus "ringarde" étant la crèche que je mets chaque Noël au pied du sapin, qui est celle que mes parents ont achetée l'année de ma naissance, il y a 74 ans...Tendre merci à toi
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