Oh punaise !

L’Assemblée nationale a commencé l’étude du projet de loi sur la réforme des retraites et les amendements des députés. La tâche s’annonce longue, et peut-être impossible, car les opposants au texte ont déposé pas moins de 40 000 amendements, et continuent à demander l’examen de sous-amendements au fur et à mesure de l’avancement des travaux. Après plusieurs jours de séances presque ininterrompues, les députés en sont toujours à l’article un d’une loi qui en comprend 65. Majorité et opposition se renvoient la balle, en rejetant l’enlisement des travaux sur la partie adverse.

L’opposition n’en fait pas mystère. Son objectif est d’obtenir le retrait du texte, qui est mauvais dans son principe et bâclé dans sa rédaction comme le démontre la stagnation de la conférence de financement chargée de combler les blancs dans la loi. Mais le gouvernement a décidé que l’affaire devait être bouclée avant les élections municipales et n’en démord pas. Le résultat est prévisible. Comme cela s’est passé dans la commission chargée de préparer la séance plénière, le président de l’Assemblée devra faire le constat que l’examen des amendements est techniquement impossible dans le délai imparti et le Premier ministre aura probablement recours à l’article 49 alinéa 3 pour faire passer la loi en force et en l’état, comptant comme d’habitude sur la discipline des députés de la majorité, pourtant défavorables pour la plupart à une procédure qui leur dénie le pouvoir législatif. Au bout du compte, les députés auront passé des nuits blanches pour rien, uniquement pour permettre au gouvernement de rejeter l’échec sur les opposants et justifier un processus impopulaire par essence.

Mais pourquoi faut-il absolument que cette loi soit adoptée en urgence et toutes affaires cessantes ? Pour gagner les municipales ? C’est mission impossible et chacun le sait. Parce que cette affaire est si mal engagée qu’elle va pourrir le reste du quinquennat ? Ce ne serait pas impossible, et l’on imagine que Macron aimerait bien tourner la page dès que possible. Pourtant, quand on veut engager le pays pour au minimum les trente prochaines années, ce ne serait pas trop demander que de consacrer quelques mois à préparer ce que la Suède a mis 14 ans à mettre en place. Oui, mais le temps presse, car on attend avec impatience une place dans le calendrier législatif pour étudier une réforme d’une bien plus grande importance, celle de la lutte contre les punaises de lit. Contrairement à ce que vous auriez pu croire naïvement, les punaises de lit ne pourront être éradiquées sans la promulgation d’une loi spécifique. Car ces insectes sont certes très difficiles à combattre, mais ils ont leur talon d’Achille, et c’est d’être légalistes. Les mettre hors-la-loi est donc le moyen ultime pour s’en débarrasser. Ah ! si le gouvernement pouvait en faire de même avec les députés !