Le coup de pied de l’âne
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le mardi 14 janvier 2020 10:41
- Écrit par Claude Séné
Voilà plus d’un an que le journaliste David Dufresne s’est spécialisé dans la dénonciation du comportement de certains policiers qui abusent de leurs fonctions de maintien de l’ordre en utilisant la force de manière disproportionnée et dangereuse, mettant en péril l’intégrité physique ou même la vie de certains citoyens, dont, pour certains, le seul tort a été de manifester leur opposition à des décisions gouvernementales. Paradoxalement, ce ne sont pas les mutilations de mains ou les éborgnements qui auront le plus choqué dernièrement, mais un banal croche-pied infligé à une manifestante à Toulouse.
Le croc-en-jambe sournois a tourné en boucle sur les réseaux sociaux. On y voit un fonctionnaire de police faire trébucher volontairement une personne semblant fuir devant ses collègues armés de matraques. Alors qu’elle passe derrière lui, il lance la jambe en arrière, provoquant sa chute violente sur le trottoir. La scène rappelle la chanson de Brassens où il lance la patte pour aider un voleur de pommes et le poursuivant se retrouve par terre, mais à fronts renversé. Ici, c’est le dépositaire de l’ordre public qui crée le désordre. Avec l’âne de la fable, le point commun est la stupidité attribuée à tort à l’équidé, alors qu’elle est manifeste chez l’être humain. Autre similitude, le policier, comme l’âne de La Fontaine, agit en toute impunité. Sur un terrain de football, un tel geste vaudrait à son auteur une exclusion immédiate, assortie d’un certain nombre de matches de suspension. Ici, il risque tout au plus un blâme de sa hiérarchie pour ne pas avoir pensé qu’il serait forcément filmé. Ce n’est certainement pas la perspective d’une enquête de l’IGPN qui peut lui faire craindre grand-chose, celle-ci étant à la fois juge et partie.
La nouveauté, c’est que le gouvernement semble avoir pris conscience du tort considérable que peuvent causer ces images en jetant le discrédit sur les policiers. Le Premier ministre juge la vidéo violente et inacceptable et le ministre de l’Intérieur appelle ses troupes à faire preuve de discernement et avoir un comportement exemplaire. C’est bien le moins. On attend toujours qu’il dénonce ces actes pour ce qu’ils sont, des violences policières, mais c’est un début. Les dommages entraînés par ces vidéos diffusées sur Internet, et visionnées par millions pour certaines d’entre elles, sont difficiles à mesurer. Elles sapent durablement la confiance que les Français pourraient placer dans les corps chargés de les protéger, et participent au climat détestable d’une société profondément fracturée. Telle la Mule du Pape, héroïne malgré elle des Lettres de mon moulin d’Alphonse Daudet, la population saura se souvenir des mauvais traitements subis et se venger dans les urnes le moment venu.