Présomptions

Cédric Chouviat, 42 ans, livreur en scooter à Paris, est décédé des suites d’une asphyxie après un contrôle routier musclé. Le préfet de police, Didier Lallemant, qui s’était déjà illustré récemment en snobant une « gilet jaune » qui n’était pas du même « camp » que lui, a réclamé la présomption d’innocence à l’égard des 4 policiers qui ont effectué l’interpellation, comme pour tout citoyen. Sauf que ces citoyens-là, détenteurs de l’autorité publique, doivent être au-dessus de tout soupçon, ce qui ne semble pas être le cas en l’occurrence.

On savait déjà que téléphoner en conduisant pouvait être très dangereux. C’est même pour ce motif que les policiers auraient interpelé Cédric Chauviat. L’affaire aurait pu en rester là si le livreur n’avait pas agressé les 4 policiers en les menaçant de son téléphone, devenu une arme par destination, puisqu’il lui permettait de les filmer dans l’exercice de leurs fonctions. Et c’est ainsi que de fil en aiguille, pour un coup de fil malencontreux que conteste sa famille, Cédric Chauviat s’est retrouvé plaqué violemment au sol, subissant le poids de trois des fonctionnaires, au point de provoquer une fracture du larynx, en causant une asphyxie fatale à la victime. Enfin, je dis la victime, mais si l’on écoute l’avocat des policiers, ce serait plutôt l’agresseur. Il qualifie la résistance à l’interpellation de « rébellion » et rejette toute la faute sur Cédric Chauviat, « coupable, forcément coupable ». Force doit rester à la loi, dit-on. Soit. Encore faut-il que les personnes chargées de la faire respecter utilisent leurs prérogatives avec discernement et de façon proportionnée, ce qui est loin d’être démontré dans le cas d’espèce. Notamment, de grands doutes entourent l’usage de la technique utilisée pour immobiliser le livreur, celle dite du « placage ventral », qui a été abandonnée dans plusieurs pays du fait de sa dangerosité. Au rugby, il y a quelques années, on a interdit le placage « cathédrale », qui causait trop d’accidents plus ou moins graves. Cela devrait faire réfléchir le législateur. Car Cédric Chauviat n’est pas le premier interpelé à succomber à son immobilisation brutale : il y aurait eu 4 décès entre 2005 et 2016, dont celui d’Adama Traoré pour lequel la famille réclame toujours justice.

La police dispose déjà du privilège de la présomption de légitime défense. Il suffit qu’un fonctionnaire ait l’impression d’une menace létale pour qu’il puisse légitimement se servir de son arme, avant même tout début d’exécution. Ce que réclame l’avocat des policiers n’est rien d’autre qu’une présomption d’impunité. Partant du principe que ses clients ne sont animés que de bonnes intentions, ils ne sauraient être tenus pour responsables des conséquences éventuellement dramatiques causées par l’obstruction à leurs actions. C’est méconnaître gravement que les policiers sont aussi des êtres humains, pouvant être influencés par leurs émotions et tentés d’utiliser leur fonction au-delà du nécessaire.