Bonne rentrée ?
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 31 août 2019 10:36
- Écrit par Claude Séné
Si l’on en croit le ministre de l’Éducation nationale, cette rentrée, comme celle de tous ses prédécesseurs, sera bonne, voire excellente. Ça, c’est une vue d’ensemble, un portrait de groupe, parce que, dès que l’on rentre dans les détails, ça se gâte sérieusement. À commencer par l’image du ministre lui-même, qui bénéficiait jusqu’ici d’une inexplicable bonne opinion des Français, alors que toutes ses prises de position s’appuyaient sur un passéisme parfaitement réactionnaire, symbolisé par la sacralisation de la dictée, tel un Bernard Pivot au petit pied. La cote du ministre est en chute libre, ce qui n’est que justice.
Ce n’est pourtant pas ce qui mettra du baume au cœur des enseignants, pas plus que la « revalorisation » de 300 euros bruts annuels de leur rémunération. Une augmentation bien chiche : une vingtaine d’euros nets par mois, déjà promis depuis 2016 sous Hollande, et jamais débloqués, alors que tous les fonctionnaires ne cessent de voir leurs salaires gelés et grignotés par l’inflation, sans que la moindre négociation soit engagée. Ils seront aussi les premiers visés par la réforme des retraites, en perdant l’avantage du calcul sur les 6 derniers mois, qui compensait un peu la faiblesse des rémunérations pendant la carrière. Les professeurs français sont parmi les plus mal lotis d’Europe, ce que des économistes ultralibéraux justifient en insinuant qu’ils travaillent moins que leurs homologues allemands ou anglais.
Même mal payés, les profs sont encore plus désolés par le grand dénuement de l’éducation nationale et en particulier ce qui concerne les élèves en difficulté. Le dédoublement de certaines classes dans les zones les plus défavorisées sert de cache-misère pour masquer l’échec global et la reproduction massive des inégalités. De la maternelle à l’Université, l’égalité des chances est un leurre, et l’accueil des enfants handicapés en est un exemple criant. Le ministre se félicite « d’accueillir » de plus en plus d’enfants handicapés dans les classes, en dépit d’un manque évident de personnel formé et qualifié, et de conditions très largement insuffisantes, tant en moyens humains que matériels. Et que dire du rationnement endémique de places dans les établissements spécialisés, seule solution pour certains enfants et adolescents, qui ne peuvent pas être pris en charge dans des classes ordinaires ? Dans un seul département, la Drôme, le président de l’association ADAPEI recense 257 enfants restés sur le carreau, faute de financement pour avoir une place en Institut médico-éducatif. Voilà 20 ans que j’ai cessé mon activité dans ce domaine, et la situation n’a pas évolué d’un pouce, et s’est même aggravée, faute d’une politique volontariste. Alors, n’allez pas vous pavaner, Monsieur le Ministre, et parler d’une bonne rentrée, quand tous ces problèmes attendent vainement une solution.