Ça urge !

Le phénomène n’est pas nouveau, mais il s’amplifie. Un « patient », très patient, a passé cinq jours sur un brancard dans un service d’urgence, faute de place dans le service de l’hôpital qui aurait dû l’accueillir. Les urgences sont saturées dans toute la France, et les services se mettent en grève les uns après les autres dans l’indifférence de la ministre de tutelle, Agnès Buzyn, qui estime que la plus grande urgence de l’été c’est d’attendre la rentrée avant toute concertation avec les professionnels concernés.

Elle pense avoir fait le nécessaire en autorisant les hôpitaux à débloquer une prime de 100 euros pour les urgentistes. Il y a des revendications salariales, c’est vrai, mais c’est loin d’être la seule demande du personnel, qui voit les conditions d’accueil et de soins se dégrader à vue d’œil. Une chose est de signer un décret dans le confort d’un cabinet ministériel, une autre est d’assumer sur le terrain les conséquences de décisions technocratiques. Le personnel est épuisé et il a le sentiment épouvantable de ne pas pouvoir faire son travail correctement, malgré tout le dévouement dont il fait preuve au quotidien. La ministre dit avoir besoin de réfléchir aux meilleures façons d’organiser le service de santé, comme si l’on pouvait décréter où et quand tomber malade ou avoir un accident. Le public se tourne massivement vers les urgences, faute d’un dispositif de santé de proximité efficace. Le gouvernement se refuse à contraindre les médecins libéraux à s’installer là où l’on en a le plus besoin. Qu’il assume, dans ce cas, et qu’il débloque les crédits nécessaires au bon fonctionnement de l’hôpital et en premier lieu de ses urgences.

Il n’y a rien là de bien compliqué. Il faut embaucher massivement et payer correctement les professionnels de santé. Cela coûte, me direz-vous, et l’on a déjà dépensé beaucoup pour les entreprises, pour leur permettre de reconstituer leur trésorerie. Certes. Mais à quel meilleur moment pourrait-on injecter les sommes nécessaires à faire fonctionner un système de santé considéré comme faisant partie des meilleurs du monde, sur le papier ? L’argent ne coûte pratiquement rien aux états en ce moment. La France emprunte à taux négatif sur les marchés et ce serait un investissement particulièrement rentable. Tout le monde a oublié la promesse de limiter les déficits à 3 %, un chiffre purement conventionnel, qu’il suffirait de remonter selon la conjoncture sans dommage pour quiconque. Ce qui est vrai pour la Santé pourrait d’ailleurs s’étendre à l’ensemble des services publics, qui tirent le diable par la queue depuis trop longtemps. Il faudrait pour cela que nos dirigeants sortent du dogme et du credo économiste, qui dictent depuis toujours leur loi aux politiques, au nom d’une pseudo science aussi peu fiable que l’astrologie.