Qui casse paye

EDF vient d’être condamnée à une amende record de 1,8 million d’euros pour des retards de paiement vis-à-vis de ses fournisseurs, souvent des PME ou des TPE, dont elle met l’existence même en péril, faute de trésorerie suffisante. Selon le gouvernement, cette sanction s’inscrit dans une démarche visant à faire peur aux grands groupes mauvais payeurs pour qu’ils améliorent leurs pratiques. Il s’agit d’une stratégie désignée en anglais par « name and shame », faire honte à ces groupes en les nommant. Une traduction anglo-saxonne d’un phénomène réel de baisse des ventes due à une publicité négative.

Sur le papier, on ne peut que dire bravo. En pratique, qui va réellement payer cette amende ? Ne cherchez pas, c’est vous, le consommateur lambda, que vous soyez encore chez le fournisseur historique qui vient de procéder à une nouvelle augmentation du tarif réglementé au 1er août, ou que vous soyez passé à un fournisseur alternatif qui achète son courant chez EDF lui aussi et répercutera tôt ou tard cette augmentation de prix. Cette amende en apparence vertueuse reviendra donc à prélever une forme d’impôt supplémentaire sur le dos des clients, qui n’y sont pour rien. C’est une constante de ce néo-libéralisme qui se veut à visage humain, mais qui se révèle impersonnel et impitoyable avec les plus faibles, en diminuant les impositions directes, progressives et redistributrices de pouvoir d’achat et en les remplaçant par des taxes aveugles de plus en plus nombreuses.

Si quelqu’un mérite d’être sanctionné pour ces mauvaises pratiques, c’est bien le PDG de l’entreprise, qui n’a pas pris les dispositions nécessaires pour que son groupe respecte simplement la loi. Dans mon enfance, on disait « qui casse, paye » pour signifier qu’il fallait assumer les conséquences de ses actes. Si l’on faisait tomber par mégarde un objet fragile dans un magasin, on se devait de l’acheter, même en mille morceaux, pour dédommager le commerçant. Il me semble que les dirigeants des grands groupes publics sont suffisamment bien payés pour payer les pots qu’ils ont eux-mêmes cassés. Leur rémunération a été plafonnée à 450 000 euros bruts, ce qui, une fois les faux frais déduits, laisse quand même une marge assez rondelette à laquelle s’ajoute un salaire déguisé sous forme de parachute doré. Je propose donc que l’amende soit déduite de la paye de Mr Jean-Bernard Lévy, et que son nom soit livré au banc d’infamie en lieu et place de celui du groupe, dont les salariés n’ont rien à se reprocher. Mais je suis prêt à parier que ce gouvernement si vertueux trouvera mille prétextes pour ne pas sanctionner le responsable, qui fait partie du sérail.