Comment réussir

Quand on est con et pleurnichard ? Nadine Morano avait 11 ans quand est sorti le film de Michel Audiard, un âge un peu tendre certes, mais vite compensé par une tête de bois à toute épreuve. Lorsque Nicolas Sarkozy a jugé bon de l’élever au grade de ministre, à plusieurs reprises, elle ne savait déjà pas quoi inventer pour se faire remarquer, alors que son langage de charretier aurait largement suffi à la faire sortir de l’anonymat. Si l’on ne craignait de passer pour un ennemi du peuple, on stigmatiserait volontiers à travers elle la noble profession de poissonnière.

Depuis que la routourne a routourné, comme dirait Frank Ribéry, un autre grand défenseur de l’évolution spontanée de la langue française, et que son parti, Les républicains, ne pèse plus guère sur la scène politique, cette pauvre Nadine Morano semble s’ennuyer à mourir, et s’évertue à trouver quelque bêtise qui la fasse sortir du lot. Elle a cru trouver la tête de Turc idéale en la personne de Sibeth Ndiaye, récemment promue porte-parole du gouvernement, presque aussi agaçante que la députée européenne elle-même. J’aurais donc eu tendance à considérer qu’en la critiquant, Nadine Morano se comportait comme la poêle qui se fout de la charité ou le chaudron qui se moque de l’hôpital.

Mais là n’est pas le point qui m’intéresse. Dans un tweet qu’elle voulait, je le suppose ravageur, Nadine Morano s’en prend aux origines africaines de la ministre, dont elle dit qu’elle est très bien née, mais au Sénégal. Ou comment entrecroiser un reproche de classe avec un préjugé raciste ? Pour faire bonne mesure, elle l’attaque également sur sa tenue, jugée trop excentrique, comme si elle personnifiait elle-même l’élégance, et comme si c’était un argument, d’ailleurs. Bref, un tweet d’une stupidité rare, qui n’a pas manqué d’être interprété comme une attaque raciste et xénophobe, ce qu’il est, d’autant plus que la harengère n’en est pas à son coup d’essai. Et c’est là que dérape et s’enlise la discussion, qui ne porte plus alors que sur le racisme et plus du tout sur le fond de la polémique, initialement centrée sur la démission de François de Rugy. Cela m’a fait penser aux jeunes élèves qui, ayant fait quelque bêtise, prétendaient être punis en raison de leur couleur de peau, qui n’avait manifestement rien à voir dans l’histoire. Nadine Morano feint d’être accusée à tort et que la porte-parole utilise l’argument raciste pour détourner l’attention, cependant que de l’autre côté, on évite de répondre sur le fond, il est vrai embarrassant, pour stigmatiser une députée qui tente désespérément d’exister. Pas très glorieux tout ça.