Quantum de peine

C’est par ce terme un peu barbare que la justice désigne la sanction encourue pour un crime ou un délit. C’est ce que la société estime justifié d’infliger à une personne reconnue coupable en punition de sa faute, et se distingue des sanctions financières ou autres, destinées à « réparer » le préjudice subi par la victime, si tant est que ce soit possible. J’ai été frappé de constater la disparité des peines encourues dans deux affaires qui font la une de l’actualité récente.

D’une part, la remise en liberté de la passagère de la voiture qui a fauché deux enfants à Lorient, dont l’un est décédé, a fait scandale, bien qu’elle ne préjuge en rien de la décision à venir du tribunal. La jeune femme encourt cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende pour non-assistance à personne en danger. Une peine égale à celle du conducteur, qui, lui sera jugé pour homicide involontaire ayant entraîné la mort sans intention de la donner, avec pour circonstance aggravante la violation délibérée d’une obligation de sécurité ou de prudence, puisqu’il conduisait sans permis et tentait d’échapper à un contrôle de police. On remarquera que, dans les deux cas, les personnes mises en cause n’avaient pas l’intention de donner la mort, mais que leur attitude fautive y a conduit.

D’autre part, les réquisitions du ministère public sont tombées dans le procès de France Télécom. Le PDG de l’époque, Didier Lombard, ainsi que ses 3 co-accusés encourent une peine maximale d’un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende. On parle quand même d’une affaire de harcèlement moral qui a entraîné le suicide de 19 salariés de l’entreprise, sans compter tous ceux dont la vie a été gâchée délibérément pour les inciter à partir « volontairement ». Comme les très jeunes enfants qui n’ont pas encore la capacité à assumer les conséquences de leurs erreurs, les dirigeants de l’entreprise n’ont pour seule défense que de déclarer qu’ils ne l’ont pas fait exprès. Pour moi, Didier Lombard et ses acolytes ont tué des salariés de l’entreprise aussi sûrement que s’ils avaient eux-mêmes tenu le révolver ou passé la corde à leur cou. Dans l’affaire du chauffard de Lorient, on ne jugera pas des intentions, mais des conséquences. Le PDG est à mon avis grandement coupable de ne pas avoir pris la mesure de son attitude criminelle dès le premier suicide. Et il ne peut pas se dédouaner de sa propre responsabilité au prétexte d’avoir appliqué des consignes iniques. Faute d’avoir eu le courage de se révolter contre une politique indigne, il pourrait au minimum exprimer des regrets, et devrait payer au prix fort son attitude, lui qui a préféré continuer à toucher sa confortable rémunération plutôt que de démissionner.