Édouard Baer, Président !

Après l’élection à la présidence ukrainienne de Volodymyr Zélensky, qui a battu à plates coutures le président sortant, rien ne peut plus m’étonner. Comme moi, vous ne connaissiez probablement pas cet acteur et humoriste qui incarnait le rôle du chef de l’état dans une série télévisée à succès. Ne parlant pas la langue, je suis incapable de juger de la qualité de l’interprétation et de sa drôlerie, mais là n’est pas la question. En Ukraine comme dans beaucoup d’autres pays, on préfère faire confiance à un novice en politique, plutôt qu’à un « professionnel » expérimenté.

Les exemples ne manquent pas. Beppe Grillo, en Italie, qui a fondé le mouvement cinq étoiles, au pouvoir grâce à une alliance contre nature avec l’extrême droite de la Ligue du Nord. Coluche, en France, qui a failli aller jusqu’au terme de sa candidature, en faisant craindre le pire aux partis traditionnels. Donald Trump, lui-même, qui passait pour être un original n’ayant aucune chance d’être élu. Nous aurions dû nous souvenir du précédent que constituait l’élection de Ronald Reagan, acteur de cinéma, ou plus récemment d’Arnold Schwarzenegger, en Californie. Après tout, certains n’ont pas fait pire que les pros, quand ils ont été bien secondés. Non, le souci, c’est que la plupart du temps, ces amateurs n’ont que peu ou pas de programme, sinon de donner satisfaction à ceux qui crient le plus fort. Ils ne revendiquent aucune idéologie, mais sont souvent manipulés par des théoriciens du libéralisme, et se réfèrent implicitement à du populisme, sous couvert de bonnes intentions.

Nous avons nous-mêmes en France le privilège douteux d’être présidés par un « quadra », un homme très jeune, talentueux probablement, tout à fait à sa place dans un poste de banquier, comme celui qu’il occupait chez Rothschild, mais qui a probablement atteint son niveau d’incompétence, si l’on suit le principe de Peter. Malheureusement, il est impossible de s’en débarrasser en lui accordant une nouvelle promotion, étant donné qu’il n’y a plus de poste supérieur dans la hiérarchie nationale et que le titre de chef de l’Europe reste à créer. Tant qu’à être dirigé par un débutant, je préférerais nettement l’être par Édouard Baer. Lui aussi est un dandy désinvolte, mais il est drôle. Comme le président, il peut improviser pendant des heures, et faire des propositions aussi intéressantes que de construire les villes à la campagne comme le regretté Alphonse Allais, avec un aplomb et un ton de persuasion que ne renierait pas le président actuel. Je ne suis pas certain que le pays s’en porterait mieux, quoique je ne sois pas sûr du contraire non plus, mais je crois que l’humeur et l’air ambiant y gagneraient. Et ce n’est déjà pas si mal.