Le cheval vénézuélien

C’est une affaire entendue. Le président officiel du Venezuela est un dictateur, et de la pire espèce. Si le nom de Maduro signifie « mûr » en espagnol, comme on le dirait d’un fruit prêt à consommer, dans les faits il serait plutôt pourri, car corrompu. On le soupçonne fortement d’avoir tripatouillé les élections présidentielles, qu’il aurait remportées d’une courte tête, pour rester dans la comparaison hippique. Bien qu’ayant perdu nettement les législatives de 2015, Nicolas Maduro s’est maintenu au pouvoir grâce au soutien de l’armée et a tenté de modifier la constitution à son avantage.

La situation au Venezuela me fait penser à ce que disait Coluche à propos des technocrates : « si tu leur donnais le Sahara à gérer, au bout de 5 ans il faudrait qu’ils achètent du sable ailleurs ». Quand le prédécesseur et modèle de Maduro, Hugo Chavez, accède au pouvoir en 1999, le Venezuela possède la plus grande réserve mondiale de pétrole, c’est donc un pays potentiellement très riche. Malgré, ou à cause d’une politique qui tente de réduire les inégalités sociales, le pouvoir multiplie les erreurs de gestion, entraînant une crise économique majeure. Le pays s’endette massivement auprès de la Chine quand le cours du baril plonge. L’inflation devient galopante, comme dans les années 30 en Allemagne avec les conséquences que l’on sait, et les populations fuient massivement le pays. Le président de l’Assemblée nationale, aux mains de l’opposition, s’est autoproclamé Président de la République par intérim en lieu et place de Maduro, qu’il déclare illégitime.

En un mot comme en cent, c’est un putsch, un « coup » comme disent les anglo-saxons qui nous ont emprunté, pour une fois, un mot français. La reconnaissance immédiate du nouveau président par Donald Trump ne peut qu’alimenter les soupçons d’une manœuvre des États-Unis pour remplacer un pouvoir hostile par un gouvernement plus favorable. Ce ne serait pas la première république bananière du continent sud-américain. Pour des raisons symétriques de géopolitique, on ne s’étonnera pas que la Chine et la Russie conservent leur soutien au président Maduro, de même que la Turquie, qui s’aligne constamment sur ses deux alliés dans le conflit syrien. Je m’interroge davantage sur la position du président français, qui s’est exprimé sur Twitter et qui entretient volontairement l’ambiguïté entre son opinion personnelle et celle de l’Europe, au nom de laquelle il voudrait s’exprimer sans qu’elle lui ait rien demandé. Si les Vénézuéliens sont en train de se débarrasser d’un cheval atteint de cécité, ce qui n’est pas encore sûr, il ne faudrait pas soutenir aveuglément un autre poulain, dont on sait peu de choses, et qui pourrait se révéler borgne.