Que les gros salaires lèvent le doigt
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le lundi 21 janvier 2019 10:24
- Écrit par Claude Séné
Quelqu’un ? Non, personne ? Bizarrement, si le bon sens est la chose du monde la mieux partagée, c’est-à-dire que chacun juge qu’il en possède suffisamment, je ne connais pas d’exemple de gens qui estiment être trop payés, ou ne pas mériter leur rémunération, à quelque niveau qu’elle se situe. Même Liliane Bettencourt, qui à la fin de sa vie ne s’occupait guère de la gestion de son immense fortune, ne s’est jamais plainte d’avoir trop d’argent, pensant visiblement « qu’elle le valait bien ».
Carlos Goshn, qui croupit dans les geôles japonaises pour des crimes qu’il n’a peut-être pas commis, expie son péché d’orgueil qui l’a conduit à demander et à obtenir toujours plus, car il ne supportait pas que quiconque soit mieux payé que lui. Décrocher la couronne mondiale du dirigeant le plus riche, donc le plus méritant, était autrement plus important que les « petits » privilèges afférents à la fonction et qui lui valent aujourd’hui d’être mis en examen. Jacques Toubon, dont les positions courageuses au titre de défenseur des droits surprennent ceux qui, comme moi, ont le privilège discutable de suivre la vie politique depuis longtemps, m’a également étonné en déclarant qu’il ne comprenait pas que son niveau de rémunération puisse choquer. Allons, Jacquot, toi qui fus un temps ministre de la Francophonie et redoutable pourfendeur des anglicismes jusqu’au ridicule, qu’est-ce que tu ne comprends pas exactement dans ces mots ? C’est pourtant simple : le SMIC mensuel est à 1000 euros, le RSA à 550 euros et le seuil de pauvreté à 1026 euros, soit 60 % du revenu moyen. Et toi, tu touches 30 000 euros par mois en cumulant retraites et salaires, et rien ne te choque ? Si ? La paille dans l’œil de ton voisin, c’est ça ? Il y en a de plus privilégiés encore ? Évidemment. Et toi, tu travailles dur, n’est-ce pas ? Mais bien sûr.
Il y en a pourtant un qui s’est rendu compte de l’indécence de ses propos, c’est le porte-parole du gouvernement, Benjamin Griveaux, qui a tenté de faire pleurer dans les chaumières en évoquant son triste sort de quasi-SDF quand son salaire de misère, 7 900 euros mensuels, ne lui permet pas d’acquérir un logement à Paris. Rendez-vous compte du dévouement et du désintéressement de ce garçon exemplaire : il a sacrifié les deux tiers de son salaire précédent pour se consacrer à la chose politique ! Mais il ne fallait pas, Ben ! on se serait très bien débrouillé sans toi, tu sais. Il n’est d’ailleurs peut-être pas trop tard pour que tu retournes à ta vocation première. Il me semble qu’en ce moment, Manu porte très bien sa parole tout seul, même s’il prêche un peu dans le désert.