Vidéosurveillance

En préambule, je voudrais, une fois n’est pas coutume et un peu à la façon de Renaud découvrant le rôle des flics sur le tard, exprimer l’horreur de l’agression dont ont été victimes quatre policiers dans l’Essonne. Les assaillants avaient visiblement l’intention non seulement de casser du keuf, mais bien de leur faire la peau au moyen de cocktails Molotov jetés dans leur véhicule. Ils ont bien failli y parvenir et un des policiers est toujours dans un état très grave. De tels actes sont inqualifiables, quoi qu’on pense de la police et de la façon dont elle s’acquitte de sa mission dans certains quartiers.

Mais quand même. Quand on pense que ces quatre fonctionnaires étaient présents dans le but de protéger une caméra de vidéosurveillance, on a un peu le sentiment que notre société marche sur la tête. Le carrefour en question est connu de longue date pour être la plaque tournante de la délinquance du quartier, notamment par ce que l’on appelle du car jacking où les automobilistes sont détroussés quand ils s’arrêtent aux feux de circulation. La caméra a été installée dans un but de dissuasion, mais elle est devenue un enjeu entre la police et les bandes locales, une sorte de totem symbolisant la suprématie sur le quartier. Le côté dissuasif a été abandonné depuis belle lurette, la moindre cagoule permettant de s’affranchir des images de la caméra, bien souvent de médiocre qualité. S’il faut des policiers pour protéger une caméra, devra-t-on installer d’autres caméras pour protéger les policiers et ainsi de suite, dans une mise en abîme insoluble ?

Le Premier ministre a annoncé des mesures de renforcement de l’équipement avec des tenues ignifugées et des revêtements anti-caillassage sur les véhicules. On voit bien que la logique ultime de cette escalade consisterait à déployer des blindés dans les quartiers difficiles et à autoriser les forces spéciales à assassiner les caïds locaux. Halte au feu ! il s’agit là d’un aveu d’échec qui fait penser à celui de Samia Ghali qui a réclamé à plusieurs reprises l’intervention de l’armée dans les quartiers nord de Marseille. La solution n’est visiblement pas technologique, contrairement aux arguments des fabricants de caméras, qui ont su profiter de la vague sécuritaire pour vendre largement leur matériel aux maires soucieux de réélection. Il est temps de remettre de l’humain dans le processus, aussi bien dans la lutte contre la délinquance et le trafic que dans celui du terrorisme. Il faudra beaucoup de temps pour retisser le maillage du territoire que le ministre de l’Intérieur Sarkozy a détricoté en son temps en démantelant à la fois la police de proximité et les renseignements généraux. C’est pourtant la seule voie.