De l’assassinat considéré comme un des beaux-arts

Nous avons appris de source ukrainienne que les services de sécurité avaient déjoué un complot russe visant à éliminer physiquement le président Volodymyr Zelenski et arrêté deux colonels parmi les agents chargés de la sécurité de hauts responsables de l’état. Cette information, si elle est avérée, tendrait à prouver que Wladimir Poutine a fait sienne la phrase de Stendhal, selon laquelle « le meilleur régime politique serait la monarchie absolue tempérée par l’assassinat », à la nuance près qu’il préfère être l’auteur plutôt que la victime de l’assassinat en question. Il n’en est d’ailleurs pas à son coup d’essai, même si ses tentatives n’ont pas toujours été couronnées de succès.

En 2022 déjà, le président ukrainien aurait échappé à trois complots en une semaine, selon le « Times ». En 2020, la tentative d’empoisonnement de l’oligarque dissident Alexeï Navalny a partiellement échoué, contraignant le dictateur russe à le faire mourir à petit feu dans un camp après son retour en Russie. L’an dernier, c’est le patron de la milice Wagner, Evgueni Prigojine, coupable d’avoir pris la tête d’une rébellion contre Poutine, qui était abattu dans le crash de l’avion privé qu’il avait affrété. Sa mort n’a pas été revendiquée, mais tout le monde aura compris d’où venait la vengeance. On peut également évoquer l’assassinat en 2006 de la journaliste Anna Politkovskaïa, pour lequel 5 personnes en service commandé ont été condamnées et dont l’un a été finalement gracié par Poutine en personne.

D’après les services secrets ukrainiens, le projet d’assassinat du président prévoyait à l’origine d’avoir lieu précisément la veille ou le jour même de la cérémonie d’investiture, appelée « inauguration » en version originale, de Vladimir Poutine, comme une sorte de cadeau personnel, mais le projet initial avait pris du retard. On ne saura donc pas si la France aurait maintenu la participation de son ambassadeur à la cérémonie, si elle avait été entachée par un deuil de cette nature. Même en l’état, on peut s’interroger sur la présence de notre représentant dans une telle circonstance. Tout le monde sait que les élections soi-disant libres qui ont assuré la réélection du président pour un 5e mandat de 6 ans avec un score plus que flatteur sont évidemment fantaisistes. Poutine choisit son opposition en écartant les seuls candidats potentiels susceptibles de lui faire de l’ombre, et les scores réels sont invérifiables. Les seuls opposants crédibles sont en exil à l’étranger, comme Ioulia Navalnaïa dont le mari a payé de sa vie le respect des formes légales de contestation, qui traite le dictateur russe de « menteur, de voleur et d’assassin » et déclare qu’avec lui, « le pays n’aura ni paix, ni développement, ni liberté ». Il faut espérer qu’elle est bien protégée, car ses propos suffisent à la mettre en grave danger.