Tous coupables ?

Qui peut se vanter de n’avoir jamais ressenti un sentiment de culpabilité, causé, déclenchant une émotion ressentie après avoir commis un acte ayant un effet négatif sur autrui, ou sur soi-même ?

C’est une émotion auto consciente, la faute est réelle ou imaginaire, on peut se sentir coupable d’actes fantasmés que l’on a rêvé de commettre, de pensées que l’on a eues !

C’est une émotion qui tue, la culpabilité a un effet paralysant « je ne sais plus quoi faire » « je ne suis pas aussi solide que je pensais »… elle amène à l’auto-accusation, avec repli sur soi, dépression, suicide… et à l’autopunition. C’est souvent le moteur du triangle bourreau/victimes/sauveurs, elle permet de trouver des boucs émissaires, pour se débarrasser de sa propre culpabilité, on accuse l’autre, l’amenant à s’excuser souvent, le culpabilisant à son tour, c’est un moyen de le contrôler.

Les causes sont nombreuses, « j’ai menti, il y a quelque chose que je n’ai pas fait, que j’aurais dû faire, je n’ai pas fait assez pour aider, je vais mieux que quelqu’un d’autre… »

Avec l’éclairage de la psychanalyse, on peut distinguer plusieurs formes de culpabilité.

La culpabilité égocentrique, « c’est ma faute » ressentie par exemple par un enfant lors du divorce de ses parents, c’est une culpabilité sous-tendue par un sentiment inconscient de puissance qui confère l’illusion de garder le contrôle sur ce qui lui arrive.

La culpabilité passive, faire porter à l’autre ou aux circonstances la responsabilité de ses actes « regarde ce que tu me fais faire ».

La culpabilité contrôlante, c’est l’arme de prédilection des régimes autoritaires, des sectes et des religions pour maintenir le contrôle sur un groupe par une série d’injonctions ou d’interdictions.

La culpabilité systémique, pour maintenir la cohésion, la survie d’un système, accepter de porter le chapeau pour l’ensemble du groupe.

La culpabilité archétypale, ou originaire, celle qui justifie mon titre, inscrite dans notre inconscient collectif en référence aux mythes qui fondent notre civilisation, conflits mortels entre frères (Caïn et Abel) entre père et fils (Ouranos et Kronos)

La culpabilité réactionnelle ou celle du survivant dans un groupe, une équipe, une famille, après une faillite, un suicide, un attentat, comme si ceux qui s’en sortent avaient une dette vis-à-vis de celui ou de ceux qui n’ont pas eu cette chance ! Survivants de l’holocauste, d’une guerre, et même de la mort d’un jumeau in utero, c’est une culpabilité irrationnelle qui gâche la vie.

La culpabilité peut être malsaine, elle permet de diminuer ma responsabilité, c’est un moyen pour éviter de s’assumer, son aveu diminue les conséquences de mon geste.

C’est cependant un sentiment normal, alimenté par nos pensées (80 % de la culpabilité ressentie est stérile) qui peut devenir chronique, détériorant progressivement l’équilibre mental. Mais c’est aussi un signal « utile », qui peut nous amener à prendre conscience sur sa nature, sur nos limites, pour sortir du « pas capable donc coupable » faire le deuil de la toute-puissance en renonçant à chercher l’impossible, prendre la pleine responsabilité de nos actes (il est étrange que la justice puisse décider que l’on puisse être responsable et non coupable *) s’excuser bien sûr, réparer si possible, consulter s’il le faut, autant d’actions pour restaurer l’estime de soi.

 

L’invitée du dimanche

 

*dans l’affaire du sang contaminé par exemple