Le blues de Moody’s
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le samedi 26 octobre 2024 11:09
- Écrit par Claude Séné
Il est peu de dire que la décision de l’agence de notation Moody’s sur la note de la France dont dépend directement la capacité du pays à s’endetter à un intérêt supportable sur les marchés financiers était attendue comme le loup blanc. Contrairement à ce que craignaient les observateurs, cette note qui est exprimée par une combinaison de lettres, dans laquelle le 20 sur 20 se présente comme le triple A, une appréciation devenue rare que seuls 9 pays décrochent encore, n’a pas été dégradée hier. Elle reste à Aa2, soit l’équivalent d’un 18 sur 20, mais fait l’objet d’une « perspective négative », l’antichambre d’une dégradation possible lors de la prochaine évaluation.
Ce sursis est assez paradoxal au moment où le gouvernement français peine à trouver une voix étroite pour adopter un budget tenant compte des objectifs contradictoires des formations qui le soutiennent, alors que les deux autres agences principales, Fitch et Standard & Poor’s, ont déjà abaissé la note de la France d’un cran en dessous. Moody’s risque de leur emboîter le pas sans préavis si la situation ne s’améliore pas rapidement. Pour l’instant, les marchés financiers semblent considérer que la dette française reste rentable pour les investisseurs, ce que nous constatons nous-mêmes en creux par le simple fait que les remboursements d’emprunts de l’état, « la charge de la dette », représentent déjà le 2e plus gros poste budgétaire, immédiatement après l’enseignement, et devrait, à court terme, devenir le premier. Un ménage dans cette situation serait très vite considéré comme surendetté. Par chance, ou par passe-droit, nous trouvons assez facilement des prêteurs qui considèrent que le risque d’un défaut de paiement est très faible, mais nous le font cependant payer de plus en plus cher.
Or, rien n’est plus fragile que les relations basées sur la confiance. En 1981, quand François Mitterrand a été élu président de la République, beaucoup d’économistes prédisaient l’échec de l’union de la gauche qui allait se fracasser, selon eux, sur « le mur de l’argent », illustré par un exode massif de capitaux, qui ne s’est finalement pas produit. Plus récent, l’exemple de la Grèce, il est vrai gangrénée par la corruption et dans une situation financière encore plus difficile, nous rappelle que les mesures dites « d’assainissement » qui lui ont été imposées par l’Union européenne et le Fonds monétaire international, ont fini par donner des résultats, mais au prix d’un appauvrissement considérable de la population, déjà en grande difficulté, et qui a à peine retrouvé son niveau de vie antérieur. Notre pays se trouve dans une situation moins mauvaise dans la mesure où les « fondamentaux » économiques sont toujours là, mais le risque d’un nouveau dérapage est patent.