
L’éthique sous l’étiquette
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- Catégorie : Diabloguiste
- Publié le jeudi 5 juin 2025 11:14
- Écrit par Claude Séné

Vous avez peut-être été surpris, comme moi, de découvrir que le géant chinois du nouveau prêt-à-porter connu sous le nom générique d’ultra-fast fashion, s’est offert les services d’un ancien ministre de l’Intérieur, Christophe Castaner, qui avait disparu des écrans radars depuis sa défaite de 2022 aux législatives, battu par un candidat de la NUPES, comme beaucoup de macronistes. Il est donc chargé par Shein de lui donner des conseils au travers d’un « comité de responsabilité sociale et environnementale », nouvel avatar des comités Théodule permettant à d’anciennes personnalités politiques de « pantoufler » dans le privé après une carrière aux affaires publiques où leur agenda s’est enrichi de nombreux contacts potentiellement lucratifs.
Vous me direz, avec raison, qu’il faut bien vivre, et que la Haute autorité pour la transparence de la vie publique auprès de laquelle il a déclaré en 2017 un patrimoine de 1,3 million d’euros n’a pas émis de réserves. Ce qui est plus problématique, c’est que Christophe Castaner reprenne mot pour mot l’argumentaire de la marque Shein, qu’il est censé conseiller, en défendant un modèle économique supposé mettre la mode à la portée des plus pauvres, en négligeant totalement l’exploitation d’une main-d’œuvre sous-payée, la concurrence déloyale de ces pratiques commerciales pouvant entraîner des pertes d’emploi en France ou dans d’autres pays, l’impact environnemental des transports utilisés pour inonder le marché en flux tendu, et, en prime, la fabrication de vêtements ne respectant pas toujours les normes de sécurité en vigueur dans notre pays. Christophe Castaner reprend les arguments qui ont été adressés aux sénateurs pour les convaincre de ne pas voter la loi dite « anti-fast fashion », qui témoigne de l’ampleur du lobbying, sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres et des sommes colossales mises en jeu par les marques commerciales.
Shein se sert sans la moindre vergogne de l’image de l’ancien homme politique, qui la lui vend sans aucun scrupule, en utilisant des arguments liés à son ancienne étiquette, quand il défendait, en principe, une certaine idée de justice sociale ou des idéaux démocratiques, en militant au sein du parti socialiste, qui a été son premier engagement. Il a par la suite pris le train du mouvement « en marche » qui allait porter au pouvoir Emmanuel Macron et lui permettre de se pousser du col en exerçant des fonctions flatteuses avec plus ou moins de bonheur. Il n’aura pas laissé un souvenir impérissable au ministère de l’Intérieur, où il ara dû gérer la crise des Gilets Jaunes, avec l’insuccès que l’on sait dans des circonstances qui l’ont largement dépassé. Il lui faudra aussi assumer le maintien de l’ordre au début du confinement en 2020 pour tenter de juguler l’épidémie de Covid-19. Après une lente dégringolade dans l’opinion, où sa démission a été plusieurs fois demandée, il a touché le fond en quittant la vie politique. Son « comeback » aura du mal à convaincre.