Au pied du mur

C’est là que l’on voit le maçon, parait-il. Dans le cas du gouvernement actuel, confronté à la réalité d’un budget presque aussi introuvable qu’une majorité pour le soutenir, on serait tenté de dire que c’est une mission quasi impossible. La répétition générale s’est déroulée dans les réunions de la commission des finances. Sous la présidence d’un représentant de l’opposition de gauche, les factions se sont tout d’abord défoulées en proposant de nouvelles recettes pour boucler le budget. Prises séparément, elles ont été assez souvent adoptées, mais l’ensemble a finalement été rejeté par les membres de la commission.

D’où ce retour à la case départ en séance plénière pour un examen, article par article, du texte proposé par le Premier ministre, ainsi que les nombreux amendements déposés par les groupes parlementaires. Pour tenir les délais, il faudrait que députés et sénateurs examinent 70 amendements à l’heure, en travaillant sans discontinuer, y compris le samedi, et en tablant sur la bonne volonté des uns et des autres, qui est loin d’être acquise. Tous les observateurs semblent d’accord sur un point : le gouvernement, malgré les déclarations de Michel Barnier qui veut donner sa chance au débat, ne pourra probablement pas éviter le recours au fameux 49,3 pour adopter le budget. D’ailleurs, le Premier ministre devrait soumettre cette question au Conseil de ministres dès aujourd’hui, en cas de besoin. Le scénario est déjà écrit, et il y a peu de surprises à en attendre. Pourquoi alors se livrer à cette pantomime, au lieu d’engager immédiatement la responsabilité du gouvernement ? D’une part pour rejeter le blocage sur d’autres, et aussi parce que le Premier ministre pourra ainsi incorporer certains amendements de son choix dans le texte définitif qui sera réputé adopté sans vote en cas de rejet de la motion de censure.

Les débats qui vont se dérouler jusqu’à ce que le Premier ministre fasse le constat de l’impossibilité de finir l’examen dans les délais impartis, pourraient cependant se révéler intéressants, et en dire plus long sur les positions des différentes formations politiques, dont certaines doivent en même temps définir leurs lignes en fonction de l’évolution des rapports de force et désigner leur direction, objet de toutes les convoitises en vue d’une présidentielle, anticipée ou non. C’est ainsi que l’on se rend compte que le dogmatisme macronien sur les baisses d’impôts a peut-être précipité la sortie de route des finances de la France en 2023 et 2024, par manque de recettes. Au point que certains envisagent très sérieusement le rétablissement de la taxe d’habitation ou son équivalent, imprudemment supprimée alors que l’on cherche désespérément dorénavant des économies au risque de mécontenter tout le monde. Où est donc passé le fameux « Mozart de la finance » que l’on nous avait tant vanté en 2017 ?