Le vide et le trop-plein

Le 15 mai 1962, lors d’une conférence de presse, un exercice qu’il affectionnait particulièrement, le Général de Gaulle prononçait une de ses petites phrases dont il avait le secret, en réponse à une question concernant sa succession à la tête de l’état : « Ce qui est à redouter, à mon sens, après l’événement dont je parle, ce n’est pas le vide politique, c’est plutôt le trop-plein ! » Après la décision calamiteuse d’Emmanuel Macron de dissoudre l’Assemblée nationale au pire des moments, beaucoup d’observateurs de la vie politique envisagent sérieusement l’hypothèse d’une démission du président de la République.

Billard à trois bandes

Pour les néophytes de ce sport, précisons tout de suite les règles. Cette forme du billard français, sans poches donc, se joue avec les deux boules blanches et la boule rouge, qu’il faut toucher successivement, mais le point n’est accordé qu’à la condition expresse d’avoir fait tout d’abord ricocher sa propre boule sur les côtés, les bandes, au minimum trois fois. Ce qui amène le joueur à devoir calculer un itinéraire complexe et à maîtriser des notions de géométrie dans l’espace nécessitant un certain talent. L’expression est devenue le symbole d’une démarche où l’on semble s’éloigner du but pour mieux y revenir.

Le poids des mots

On connaissait déjà l’expression « être démissionné », une périphrase qui exprime assez clairement une situation telle que celle du Premier ministre actuel en poste au moins jusqu’au deuxième tour des élections législatives. Selon la tradition, Gabriel Attal devrait remettre sa démission au Président de la République après avoir constaté qu’il ne pouvait pas obtenir la confiance de l’Assemblée nationale, ce qui est désormais une certitude, bien que l’élection n’a pas encore eu lieu. Emmanuel Macron reste libre de l’accepter ou de la refuser, et peut même l’accepter et le renommer, en le chargeant de constituer un nouveau gouvernement. Mais le plus probable, c’est qu’il appelle un représentant du parti le plus nombreux pour lui proposer de devenir son Premier ministre de cohabitation, en l’occurrence Jordan Bardella.

Appelons un chat un chat

Depuis que Marine Le Pen en a pris le contrôle, elle n’a eu de cesse de tenter de gommer les aspérités du Rassemblement national afin de faire oublier qu’il est l’héritier du Front national, fondé par son propre père avec le soutien de collaborateurs notoires tels que Pierre Bousquet et Léon Gaultier, tous deux engagés volontaires dans la Waffen-SS. Elle réfute en particulier l’étiquette d’extrême droite, qu’elle semble reconnaître infamante, à juste titre, et dont elle ne pourra pas, à mon avis, se détacher, compte tenu des prises de position de son parti, jusque et y compris dans la campagne actuelle.